AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de PATissot


Les Andelys, 23e jour de mars.

Je trace les mots, l'un après l'autre, en m'appliquant, et j'ai la main qui tremble un peu.
Les gens qui m'ont accueillie ce soir possèdent une belle demeure avec des carreaux de verre aux fenêtres de la salle. Quand je suis entrée, le maître de la maison était en train d'écrire. La servante m'a poussée devant la cheminée et m'a enlevé mon manteau pour le faire sécher. C'était si bon, cette chaleur après la pluie et la peur, que je me suis mise à pleurer. La maître a rappelé la servante et m'a fait servir du lait chaud.
– Tous ces gens qui s'enfuient sur les routes ne sont pas raisonnables, a-t-il dit calmement ; il n'y a rien à craindre des Anglais. Les soldats du duc de Bourgogne sauront bien nous protéger ! Bientôt, un accord de paix sera signé. Tu devrais rentrer chez toi.
Sa voix était rassurante. Je me suis sentie mieux, comme si je le connaissais depuis longtemps. Et je ne sais pas ce qui m'a pris : en tendant la main vers lui, j'ai demandé si je pouvais écrire.
Il a eu un regard étonné, qui semblait dire :
« Comment donc, une fille comme toi saurait tenir une plume »
J'ai ajouté d'un ton bien ferme :
– Mon père est maître drapier à Louviers. Ma mère m'a fait donner une bonne éducation.
Je n'ai pas dit que maman ne sait pas écrire. Papa, lui, a l'habitude des livres de comptes pour tenir sa boutique.
Le vieil homme m'a fait signe de venir m'installer. J'avais peur qu'il se penche par-dessus mon épaule. Mais non ! Il s'est assis à l'écart et m'a laissée tranquille.
Ma main ne tremble plus. Tracer un mot puis un autre me fait du bien. J'ai besoin de poser sur le papier tout ce que je ne peux plus dire à personne puisque ceux que j'aime sont loin de moi. Papa et maman, pourquoi êtes-vous restés à la maison ? Pourquoi m'avez-vous obligée à partir ? je sais bien que les troupes du roi Henri d'Angleterre s'emparent peu à peu de la Normandie. Comme la méchante gangrène qui a rongé la jambe de grand-mère l'an dernier. Mais peut-être n'est-ce pas si grave puisque le maître ici ne semble pas inquiet.
Je le vois lever les yeux vers moi. Il me semble que la lumière du jour a baissé. Cela doit faire longtemps que j'écris. Je vais m'arrêter afin de ne pas abuser de son hospitalité.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}