Celle qui, assise contre le carrelage avec son foulard beige à fleurs, tend la main en quête de quelques pièces et qui imagine cette main au bout d’un bâton et elle ailleurs.
...
Celui qui, jeune homme courait le 5000 mètres, champion d’Île de France, et qui aujourd’hui marche à
pas de fourmi, vacillant, glissant des pieds sur la chaussée comme il peut et que le moindre souffle de vent jette à terre
Tu croises une femme qui pousse sa fille assise dans une poussette qui elle-même pousse devant elle une poupée assise dans une poussette plus petite. Tu les regardes passer. « Le train de la vie », tu penses. Tu repars avec cette phrase en tête.
Là tu tombes nez à nez avec lui. Il parle, il parle, il parle sans arrêt. Il suffit que quelqu’un le regarde dans les xyeux et voilà qu’il démarre. Il n’a pas d’argent. Il est malheureux de faire la manche. Il n’a pas d’autre solution. Il poursuit sur le même thème. Il a un défaut de prononfiafion. Il sort bredouille au moment où entre un grand type, bel homme, cheveux dans tous les sens. D’une voix tendu, il s’excuse lui aussi de mendier. Dormir dehors est difficile. Ne pas manger est pire. Il y a de la rage dans ses mots. Et aussi de la honte derrière. Personne ne donne de pièces.
Une fenêtre au n°7 vibre au rythme des images de la télévision, mouvement blafard laissant entrevoir un géranium qui dégouline du balcon. Parfois un homme arrose. Silhouette mystérieuse dans cette végétation foisonnante et incongrue perchée au deuxième étage. Je ne sais pas pourquoi, je pense qu’il a de la couperose sur la joue droite.
Sur le trottoir, une noire piquante avec les cheveux teints en rouge groseille passe comme un rêve vivifiant.
Monsieur Long ouvre la porte du café. Les bruits de la ville envahissent la pièce. La méditation des clients en est troublée un instant.
Rien ne se fait comme ça. Il y a toujours une énigme. Cette question : qu’est-ce qu’on fait là, chacun, devant l’immensité du monde ?