Payot - Marque Page - Carl Sandburg - Les émeutes raciales de Chicago
Je suis le peuple, la foule, la cohue, la masse.
Savez-vous que tout le gros œuvre du monde est fait par moi ?
Je suis l’ouvrier, l’inventeur, le fabricant de la nourriture et des habits du monde.
Je suis le public qui assiste à l’histoire. Les Napoléon viennent de moi tout comme les Lincoln. Ils meurent. Après quoi j’envoie de nouveaux Napoléon et de nouveaux Lincoln.
Je suis le sol pour les graines. Je suis la prairie qui accueillera force labour. De terribles orages passent au-dessus de moi. J’oublie.
Le meilleur de moi est aspiré et gaspillé. J’oublie.
À part la Mort, tout vient à moi et me fait travailler et abandonner ce que j’ai. Et j’oublie.
Parfois je gronde, je me secoue et asperge quelques gouttelettes rouges pour que l’histoire se souvienne. Et puis j’oublie.
Quand moi, le Peuple, j’apprendrai à me souvenir, quand moi, le Peuple, je me servirai des leçons d’hier et n’oublierai plus qui m’a volé l’année passée, qui s’est joué de moi – alors aucun orateur au monde ne dira plus ce nom : « le Peuple » avec une once de mépris dans la voix ou un sourire distant plein de dérision.
Et alors, la foule – la cohue – la masse surgira.
Extrait de « Chicago poems »
Traduction de Thierry Gillyboeuf
Theme in Yellow
I spot the hills
With yellow balls in autumn.
I light the prairie cornfields
Orange and tawny gold clusters
And I am called pumpkins.
On the last of October
When dusk is fallen
Children join hands
And circle round me
Singing ghost songs
And love to the harvest moon;
I am a jack-o'-lantern
With terrible teeth
And the children know
I am fooling.
La poésie est un écho qui demande à une ombre danseuse d’être sa partenaire.
La poésie est le journal d’un animal marin qui vit sur terre et qui voudrait voler.
Mais laissez-moi un peu d'amour,
Une voix pour me parler à la fin du jour,
Une main pour me toucher dans la chambre:
Brisant la longue solitude ,
Dans le crépuscule des formes diurnes
Embuant le coucher du soleil,
Une petite étoile errante , à l'ouest,
Est sortie des formes changeantes de l'ombre.
Laissez-moi aller à la fenêtre
Attendre et reconnaître
La venue d'un peu d'amour.
(" Chicago poems")
Grass
Pile the bodies high at Austerlitz and Waterloo
Shovel them under and let me work -
I am the grass; I cover all.
And pile them high at Gettysburg
And pile them high at Ypres and Verdun.
Shovel them under and let me work.
Two years, ten years, and passengers ask the conductor :
What place is this ?
Where are we now ?
I am the grass.
Let me work.
La poésie est une trace fossile, dans une pierre, d'une nageoire et d'une aile, avec entre elles un serment illisible.
La poésie est le tracé des trajectoires que parcourt un fini, jusqu’aux points infinis de ses échos.
La poésie est un nœud coulant autour de la pulsation d’une pensée, d’une deuxième pensée et d’une pensée intermédiaire pour laquelle il n’y a pas encore d’ordre numéral.
Fog
The fog comes
on little cat feet,
It sits looking
over harbor and city
on silent haunches
and then moves on.