Le plus glaçant restait ses yeux, bleu clair, grand ouverts, encore. Nicolas ferma les siens un instant, essayant de repenser à la brune qu'il avait abandonnée ce matin, une femme vivante. Il souffla, inspira et regarda de nouveau la victime.
- Qui est-ce ?
- On ne sait pas encore, pas de papiers sur elle. Il faudrait fouiller ce dépotoir ou voir avec la voiture brûlée devant, c'était peut-être la sienne.
- Mais la chemise de nuit ne doit pas être à elle. Une jeune femme ne porte pas ce genre de truc de nos jours.
(...)
- J'aimerais bien pouvoir lui fermer les yeux.
- Moi aussi.
En attendant leurs collègues techniciens et le médecin légiste, Nicolas Debboussi reporta son attention sur la pièce. Un endroit désaffecté, certes, comme il en existe beaucoup, avec des déchets jonchant le sol, mais quelque chose ne collait pas. Ces tissus rouges, notamment. Ils lui faisaient penser à des rideaux de théâtre.
Quand soudain elle se figea, la respiration coupée.
- Oh mon Dieu...
- Dis donc ma chérie, les galettes sont presque mangeables, inutile d'invoquer le Très-Haut-Placé.
Puis Jip se tut, inquiet devant le visage livide de Claire. En s'approchant, il lut :
"A l'époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes. (...)"
Le commandant Debboussi entra dans la bibliothèque et sut à l'instant qu'il avait Claire Lucat en visu. Mais sa collègue s'était trompée. Cette femme n'était pas seulement belle, même très. C'était bien autre chose. On met difficilement des mots sur ce qui nous dépasse car nommer c'est comprendre, connaître, circonscrire. Or la beauté de Claire ne parlait pas qu'aux yeux.