Il n'est personne, à coup sur, de ceux qui con- naissent la vie de Renan, ou qui ont lu quelques-uns de ses ouvrages, — citons, dans le nombre, les Souvenh's d'enfance et les Feuilles détachées, — qui n'ait remarqué l'empreinte nette et profonde qu'ont mise sur le caractère et le talent de l'illustre écrivain la race dont il est issu, le pays où il a passé les premières années de sa vie.
Les faits sont comparables à des têtes de pont projetées vers l'œuvre avec force et matière, mais ne proposant qu'un des multiples chemins menant vers elle. Ils sont, cela va de soi, des directions et des indices incontournables, mais ne sont que cela, et ne pourront jamais se substituer au déchiffrage de l'énigme contenue dans les mots.
La force guerrière et financière est une chose, l’extraordinaire rayonnement culturel en est une autre, plus décisive encore. Les sciences, la philosophie, le théâtre se sont exprimés dans cette langue à partir de laquelle nous avons créé notre propre vocabulaire, les rouages de notre pensée d’aujourd’hui.
Tout premier bagage nécessaire au voyage, l’alphabet fut lui même un grand voyageur. Longtemps prisonnières des images ou des signes, les lettres ne s’émancipèrent que tardivement pour devenir un incomparable véhicule du langage, porté, emprunté, transmis jusqu’à nous.