L'image de Pierre, fatiguée par la longue route des siècles, ne nous apparaît donc qu'au travers du kaléidoscope des multiples interprétations du christianisme : elle y démontre son extrême plasticité. Car, hérétiques des premiers siècles, docteurs de l'Église du Moyen Age, papes de la Renaissance, réformés des Temps modernes, exégètes protestants du XIXe siècle, ultramontains catholiques de Vatican 1, prédicateurs de tous les temps et de toutes les tendances, tous se formèrent une image de l'apôtre conforme à leurs prédilections, conforme à leur idéologie.
Avec Judas, Pierre est sans conteste le plus connu des apôtres. Les autres ? De pâles figures dont on ne connaît pas les noms avec certitude et dont on ignore à peu près tout. Pierre, lui, se dresse, bouillant et énergique, au milieu d'un groupe qu'il domine de toute sa stature et dont il prend naturellement la direction à la mort du Maître, après avoir rempli tant de fois le rôle d'intermédiaire. Dans l'imaginaire chrétien, le voici portier du Paradis après sa mort, perpétuant pour l'éternité sa proximité avec le Christ.