Après que la gauche réformiste, et en particulier le Parti Socialiste, a renoncé à transformer véritablement la société au début des années quatre-vingt, on a en quelque sorte déplacé dans les fictions scéniques et "la culture" l'idéal de transformation du monde... Selon Rancière, le fait de supposer que "les masses" sont intrinsèquement passives et sous l'emprise des médias et du marketing permet de reporter sur la société la responsabilité du renoncement à la politique, de l'acceptation du néolibéralisme et de son cortège d'inégalités.
Dans une telle vision du monde, "la culture" est un refuge, non pas seulement pour ceux qu'il convient d'éduquer au spectacle vivant, mais aussi pour les politiques dont l'action contredit chaque jour les "valeurs" que les bons spectacle seraient censés transporter.
Même lorsque des amis sortent ravis d'une représentation théâtrale, l'expression de leur satisfaction, les moments clés, les personnages avec qui chacun s'est identifié peuvent changer du tout au tout. Sans compter que l'on peut changer quinze fois d'avis !
En bref, supposer que les gens sont formatés à l'identique par des dispositifs, c'est faire fi du fait que l'expérience humaine est tout autant socialisée que singulière.