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Citation de ILESTMIDI


La prof de dessin est une grande femme d’un âge grand, à l’architecture osseuse, avec des cheveux mi-longs colorimétrie grise, qui sourit beaucoup trop à son goût. Son visage est englouti par une bouche surdimensionnée type scélérat, aux lèvres en forme de chapeau de gendarme qui lui dessinent un sourire permanent un peu à la « Pennywix » de Stephen King. De plus elle le barre d’un rouge Scarlett qui aggrave son côté machiavélique.
Alice se questionne en cours : est-elle une méchante, une rigolote ou une tueuse ? C’est comme si ses commissures étaient tirées et attachées derrière les oreilles avec un fil invisible. A chaque cours, elle fait focus sur ce sourire figé terrifiant et sa concentration en dessin en est totalement empêchée : elle n’écoute rien, imagine que cette bouche va se déchirer et la lui remplace mentalement par les bouches des autres élèves. Si on lui demandait de dessiner la prof : ce serait une bouche en chapeau de gendarme qui occuperait toute la feuille.
La prof leur déchire des grandes feuilles à croquis jaunies qu’elle tire d’un rouleau défraîchi puis leur distribue à la demande. En fait les cours consistent à représenter au fusain un modèle toujours féminin qui change de pose toutes les dix minutes : « Observez bien les zones d’ombres et de lumières ». Elle passe auprès de chaque élève, délivre un conseil, gomme un tracé.
La première année se révèle exclusivement féminine pour les débutants, c’est en deuxième année que l’on croque du masculin ? Alice en sera d’office exemptée. A croire que la prof ne trouve pas de modèles masculins, ou n’aime pas le masculin ? Orientation exclusivement féminine ? C’est lassant cette répétition, de plus, Alice n’a pas l’impression de progresser et en a assez de croquer des corps de femme. Elle s’ennuie, inspecte l’anatomie lascive des modèles, établit des comparaisons, leur donne des pseudo et s’ennuie encore. Ses croquis d’ennui, elle ne les emporte pas chez elle contrairement à ses collègues de cours : hors de question de polluer son espace vital de tous ces corps d’inconnues. Elle se saisit de ses croquis, les chiffonne et les jette discrètement dans le conteneur placé devant les beaux-arts. C’est ce qu’ils veulent... qu’elle s’exprime, et bien voilà : ennui, détestation et destruction. Les autres élèves les roulent consciencieusement, comme des papyrus précieux et les emportent chez eux. Qu’en font-ils ? Ils les retravaillent, ils les exposent ? Qui aurait envie de regarder ça ? Cet engouement général dégoulinant de narcissisme pour leurs esquisses, elle ne le comprend pas. – C’est elle l’étrangeté –.
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