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Bibliographie de Catherine Le Moal-Jiori   (1)Voir plus

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La prof de dessin est une grande femme d’un âge grand, à l’architecture osseuse, avec des cheveux mi-longs colorimétrie grise, qui sourit beaucoup trop à son goût. Son visage est englouti par une bouche surdimensionnée type scélérat, aux lèvres en forme de chapeau de gendarme qui lui dessinent un sourire permanent un peu à la « Pennywix » de Stephen King. De plus elle le barre d’un rouge Scarlett qui aggrave son côté machiavélique.
Alice se questionne en cours : est-elle une méchante, une rigolote ou une tueuse ? C’est comme si ses commissures étaient tirées et attachées derrière les oreilles avec un fil invisible. A chaque cours, elle fait focus sur ce sourire figé terrifiant et sa concentration en dessin en est totalement empêchée : elle n’écoute rien, imagine que cette bouche va se déchirer et la lui remplace mentalement par les bouches des autres élèves. Si on lui demandait de dessiner la prof : ce serait une bouche en chapeau de gendarme qui occuperait toute la feuille.
La prof leur déchire des grandes feuilles à croquis jaunies qu’elle tire d’un rouleau défraîchi puis leur distribue à la demande. En fait les cours consistent à représenter au fusain un modèle toujours féminin qui change de pose toutes les dix minutes : « Observez bien les zones d’ombres et de lumières ». Elle passe auprès de chaque élève, délivre un conseil, gomme un tracé.
La première année se révèle exclusivement féminine pour les débutants, c’est en deuxième année que l’on croque du masculin ? Alice en sera d’office exemptée. A croire que la prof ne trouve pas de modèles masculins, ou n’aime pas le masculin ? Orientation exclusivement féminine ? C’est lassant cette répétition, de plus, Alice n’a pas l’impression de progresser et en a assez de croquer des corps de femme. Elle s’ennuie, inspecte l’anatomie lascive des modèles, établit des comparaisons, leur donne des pseudo et s’ennuie encore. Ses croquis d’ennui, elle ne les emporte pas chez elle contrairement à ses collègues de cours : hors de question de polluer son espace vital de tous ces corps d’inconnues. Elle se saisit de ses croquis, les chiffonne et les jette discrètement dans le conteneur placé devant les beaux-arts. C’est ce qu’ils veulent... qu’elle s’exprime, et bien voilà : ennui, détestation et destruction. Les autres élèves les roulent consciencieusement, comme des papyrus précieux et les emportent chez eux. Qu’en font-ils ? Ils les retravaillent, ils les exposent ? Qui aurait envie de regarder ça ? Cet engouement général dégoulinant de narcissisme pour leurs esquisses, elle ne le comprend pas. – C’est elle l’étrangeté –.
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Alice aime se regarder dès son réveil : tout y passe miroirs, écrans, baie vitrée, puis dans tous les miroirs de la ville, aucun reflet ne lui échappe : une simple porte vitrée, un rétroviseur, un casque de motard accroché à la selle, une flaque d’eau, peuvent aussi faire l’affaire.
C’est une très belle femme, grande, mince, aux traits finement dessinés, avec une peau toute lisse. Elle s’aime, rien de grave. Les selfies elle adore, elle commence dès le lever. Les rides d’expression s’étaient accordées sur un point :

• Non on ne siègera pas sur son visage, pas sur elle, on ne la marque pas, elle a déjà cette vilaine cicatrice au cou, allons voir ailleurs.
Sa peau est mate et ses cheveux bruns coupés très courts mode Jean Seberg dans à bout de souffle de J.L Godard. Pas de démolition en cours, épargnée par la nature, Alice se répétait :

• Non, je ne tomberai pas en ruines.
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Sur les marches des halles couvertes, un scribe travaille chaque jour d’arrache-pied enfin plus exactement d’arrache-main sur les pages de son cahier de brouillon.
Elle l’avait remarqué la première fois.
Il fait corps avec cet escalier de béton gris.
Même sa peau a attrapé une colorimétrie grise. Il possède cette capacité à se fondre dans l’environnement. (...)
Seule la main gauche du scribe s’anime. Dès qu’il a noirci une page de son écriture automatique, il la déchire délicatement et va la coller contre le pignon droit des halles.
Par curiosité, Alice était allée voir ce pignon, il était pavé de tous ses écrits de haut en bas, de long en large. Les caractères de l’alphabet latin étaient reconnaissables mais leur combinaison en faisait une langue totalement obscure. Seul le mot Dieu par endroits était lisible. C’était peut-être le seul qu’il avait appris à écrire. Ce personnage sans âge intriguait Alice, il était comme investi d’une mission à laquelle il ne se dérobait pas, aucun jour de repos. Ces textes étaient toujours de même facture rédigés au Bic bleu, chaque ligne remplie intégralement et recouvrant la totalité de la page. Il allait réussir avec Maestria à recouvrir tout le pignon droit. Et après ? Alice se disait qu’il était le poète de la ville, en tout cas il était respecté et ses écrits aussi. La municipalité le laissait s’exprimer et cet espace d’écriture lui était dédié. Alice avait interrogé le serveur : « On ne sait pas ce qu’il écrit, il n’a jamais parlé non plus, il est fils unique et vit chez ses parents très âgés. C’est la seule activité qu’on lui connaisse. Non il n’a pas d’amis. Il est très sauvage. Il est dans sa citadelle. Il est son seul ami. Tout le monde le respecte ». Cette ville semblait remplie d’humanité.
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Alice est fascinée par l’intelligence du poulpe, elle ne pourrait en piquer un et encore moins en manger. Ses capacités multiples non encore toutes découvertes sont hallucinantes : celle de vivre en communauté pour partager des ressources, de comprendre un congénère par la couleur adoptée. Eux expriment leurs émotions en changeant de couleur ! La colère ? Noire, Rouge ? La bonne humeur ? (...)
Et si les humains pouvaient afficher la couleur de leurs émotions : « Ah non, lui et son aura rouge, je m’en éloigne, hors de question de recevoir les bavures de sa colère ! » « La sienne rose, ok je m’assois à sa table ». L’IA pourrait bientôt permettre cela : une enveloppe hologramme telle une aura qui annoncerait l’état émotionnel, autour de l’individu, une sorte de peinture au pochoir déclenchée par une émotion. Il semble qu’une certaine universalité est établie pour les couleurs et leurs émotions associées : le rouge pour la colère, le noir pour la peur, le jaune pour la joie surtout dans les pays où le soleil est timide, le bleu pour la tristesse, le vert pour la jalousie… Seul le brun n’est associé à aucune émotion. Cela éviterait bien des désagréments.
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• Il commence par lui montrer la technique à vitesse réelle puis au ralenti. Le mouvement est expliqué et décortiqué.
Ensuite, mise en pratique. C’est très physique, mais Anouk trouve un réel plaisir à cette chorégraphie réflexe : les mouvements dans cet art martial prennent leurs racines sur les réflexes du corps humain.
Lui est tout aussi majestueux que le plus grand des oiseaux marins, avec ses bras effilés comme des ailes, son envergure et sa façon de balayer l’espace. Comme l’albatros, qui peut planer quatre jours sans un battement d’aile, il n’est pas sur terre, son vol est permanent. Anouk a pris le temps de détailler son visage gracieux pendant les ralentis et sans arrêt en fait. Elle a focalisé sur ses cils recourbés comme passés au mascara, ses sourcils arqués et très longs. Il sera donc l’albatros aux sourcils noirs. Elle éprouvait déjà un certain attachement pour lui depuis la première fois où elle l’a vu arriver à la résidence.
Vous vous débrouillez très bien, vous pouvez aller faire une pause si vous voulez avant d’étudier un nouvel enchaînement. C’est un travail physique et éprouvant.
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L’objectif de ces essais « thérapeutiques » était de renforcer la plasticité de ceux qui n’avaient pas encore abandonné, en les catapultant dans une nouvelle vie pour les entraîner à s’endurcir, à s’adapter, à contrôler leurs émotions et à exercer leur métier en toute efficience et sur la durée dans la sécurité la plus totale. Ils seraient donc entraînés à quitter leur zone de confort, passer de l’autre côté de la porte, aborder une autre vie dans un nouvel environnement, de nouveaux repères, de nouveaux contacts, de nouvelles activités, et exercer leur profession avec la même excellence. Une sorte de service civil obligatoire destiné à booster la résistance de la psyché humaine à la folie ambiante.
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Le désespoir, la peur de l’autre, la peur du présentiel, la misère, le taux de suicides, l’érémitisme, le nombre d’hikomori, la folie meurtrière ont dangereusement augmenté. Le monde s’est considérablement rétréci et l’imagination des êtres humains également. – Ne plus réussir à rêver annonce l’ère de l’horreur –.
Le retrait social est devenu pour certains pathologique, ils n’arrivent plus à passer de l’autre côté de la porte.
(…)
Il était temps d’infléchir le mouvement, de former une brigade et d’entraîner des individus résilients, prêts à résister à tous ces stress permanents puis à les transformer en force. –Vivre avec tout ça, sans devenir fou à lier–.
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« Je suis une handicapée de la poésie » avait-elle signalé au maître. Dans ses souvenirs scolaires ou pas, elle ne se souvient pas d’avoir un jour adhéré à un texte poétique. Les poètes au programme en tout cas n’ont jamais suscité d’émotions chez elle. Handicapée émotionnelle, érosion émotionnelle trop avancée ou avortée, – son esprit et son cœur se sont tapissés d’une toile émeri très rugueuse vouée à élimer toute émotion forte.
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Les conflits de voisinage avaient débuté bien avant son arrivée, elle aurait aimé assister à la scène où il avait sorti son fusil. Elle travaillait et suivait la série en pointillés ayant raté des saisons mais sa voisine lui glissait discrètement à l’oreille leur synopsis. De toute façon elle n’aurait pu suivre cette saga, elle était au rez- de- chaussée et n’avait vu que sur le parc, son musée à ciel ouvert où ceux qui pointaient l’éternité avec tous leurs bras tentaculaires lui masquaient l’autre immeuble. On ne peut pas tout avoir se disait Anouk qui, les jours chômés, le matin pouvait suivre sa série préférée « l’ophtalmo de l’autre côté du mur ».
(…)
Anouk était aux anges, être aux premières loges et en catimini pouvoir écouter et étudier la vie de ses voisins, leur personnalité, leur folie, cela avait toujours été son passe-temps favori, elle avait cela dans ses os. Toute cette profusion, quel magnifique cadeau de bienvenue.
Depuis un mois, elle n’en n’a plus rien à faire de l’étroitesse du logement et n’a plus à se demander ce qu’elle va y faire. Elle vit dans un cabinet de curiosité vivant.
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Plusieurs mois avant son départ, Anouk avait subi une véritable inquisition par l’OS (l’Organisation Suprême) : sa psyché avait été longuement sondée, puis étudiée en séance par des experts psychiatres et quelques psychologues pour mieux la cibler ainsi que son parcours de vie intime et professionnel.
On l’avait contrainte à se livrer et à répondre à des questionnaires impudiques. Des caméras avaient été installées à son domicile. Ses fragilités, celles pouvant se transformer en forces et ses forces avaient toutes été pointées.
En résumé, il s’agissait qu’elle apprenne à transformer ses faiblesses en forces, à ne pas se laisser freiner par ses faiblesses, bref... avoir conscience de ses forces, prendre du recul vis-à-vis de ses erreurs, les transformer en opportunité et se relever. Garder la distance nécessaire pour ne pas se laisser déstabiliser par des personnes toxiques, supporter ce qui arrive, – se dire que la nature nous en rend capable et tout ça de manière durable.
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