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Citation de Ledraveur


La présence sur le sol français de plus de 200 « centres du dharma »-30- (exactement 204 pour l’année 2005) dont plusieurs temples et quelques monastères, mérite une attention particulière quant aux modalités de diffusion et de transmission de cette religion (le bouddhisme tibétain)-31- dans un nouveau contexte culturel et religieux. Même si ces centres ne sont pas les seuls objets de cette étude, ils sont des lieux incontournables dans le processus de diffusion, d'implantation et de transmission du dharma. Ils sont des lieux privilégiés pour l’observation directe de pratiques religieuses, sociales, économiques et politiques. Ces divers centres dépendent tous de
l’autorité d’un maître particulier.
Après l’exil de plusieurs milliers de Tibétains (80 000-100 000)-32- en Inde en 1959 sous la protection du Dalaï-Lama (certains maîtres avaient déjà quitté le Tibet à partir de 1951), le gouvernement tibétain, installé à Dharamsala, a choisi le bouddhisme comme fondement du nationalisme. Comme l’écrit Fabienne Jagou : « Depuis sa fuite du Tibet, le XIVe Dalaï-Lama et son gouvernement en exil véhiculent l’idée que la religion tibétaine est unique, qu’elle unit tous les Tibétains et qu’à ce titre elle doit être préservée-33- » et de ce fait, être diffusée.
Les Tibétains — tout au moins l’élite tibétaine en exil — ont adopté une représentation mythique d’un Tibet sacré, national et spirituel, indispensable pour maintenir la vision d’un combat pour un « Free Tibet ». Cette construction (reconstruction) se superpose à la représentation mythique occidentale du Tibet, véritable paradis terrestre, un Shangri-La -34-. Ce dernier a facilité l'exportation puis l’adoption, somme toute assez rapide, par l’Ouest de cette religion -35-, l'imaginaire occidental concernant le Tibet étant empreint de représentations positives (l’idée selon laquelle le Tibet abrite des maîtres réalisés pouvant sauver l’Occident est répandue chez les fidèles ; une supériorité spirituelle est alors attribuée aux Tibétains).
Yves Lacoste rappelait qu’un exode implique « qu’il y ait la possibilité de s’implanter ailleurs, et surtout qu’une notable partie du groupe expulsé ait les capacités d’adaptation, les types d’activités et les contacts qui lui permettront de s’insérer, de façon plus ou moins dispersée, parmi des sociétés différentes -36- ». La défense de la cause tibétaine, qui a eu un impact dans de nombreux pays, illustre les capacités d’adaptation du Dalaï-Lama et du gouvernement tibétain en exil dans l’habileté à utiliser les communications modernes mais aussi dans la mobilisation d’organisations
internationales aboutissant à la création d’une « communauté affective transnationale -37- » de sensibilités diverses, largement sympathisante bouddhiste -38-.

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30 Un centre est juridiquement une association régie par la loi de 1901 ou celle de 1905. Pour les comptabiliser, j’ai utilisé le Guide des centres bouddhistes en France de P. Ronce (1998), les Journaux officiels, les sites internet des centres et mes observations. Je n'ai pris en compte ni les Dom Tom ni la Corse.
31 J’emploie le terme « bouddhisme tibétain » même s'il est impropre car impliquant une imbrication étroite entre le Tibet et une forme de bouddhisme particulier. Le bouddhisme himalayen se pratique au Bhoutan, en Inde du Nord, au Ladakh, en Mongolie et au Népal.
32 M. C. Goldstein. A Historçv of Modem Tibet, 1913-1951 : The Demise of the Lamaist Slate, Berkeley University ofCalifomia Press, 1989, p. 825.
33 « La politique religieuse de la Chine au Tibet », Revue d'études comparatives Est-Ouest, 2001, vol. 32 n°1, p. 53.
34 James Hilton inventa ce lieu mystique en 1933 pour son roman Horizons Perdus.
35 P. Bishop, « Not only a Shangrila », in Imagining Tibet, op.cit., p. 204.
36 Y. Lacoste, « Géopolitique des diasporas », Hérodote, 2° trimestre 1989, n°53, p. 9.
37 A. Appadurai, Le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Payot, Paris, 2001.
38 Beaucoup de défenseurs de la cause tibétaine sont d’anciens maoïstes, d'anti-communistes, de sympathisants pour la lutte des peuples opprimés, etc.

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