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Citation de cedriccomtesse


Fin du chapitre 1:
...Ma boîte aux lettres était pleine à ras bord. Des factures que j’ignorai, de la publicité que je jetai. Et comme un cadeau sous le sapin avant l’heure, la lettre que je n’espérais plus. J’hésitai quelques secondes et pris une grande respiration. Puis j’introduisis mon index dans l’interstice de la seule enveloppe qui avait survécu à mon tri sauvage et déchirai son papier avec nervosité.
Après l’ouverture de la boîte aux lettres, c’était le moment le plus exaltant de ma journée mais je me retins de sortir tout de suite la feuille pliée en deux. J’avais décidé de faire durer le suspense en différant la lecture d’une nouvelle que j’attendais depuis des semaines et qui allait peut- être donner un tournant radical à mon existence, ou simplement la figer dans son morne statu quo.
Avant de m’attaquer au message, j’inspectai la missive avec minutie. L’enveloppe n’était pas ordinaire. Elle était d’un blanc écru. Le grammage de son papier granuleux était épais. Le timbre rouge à l’effigie d’une fière Marianne, bien aligné en haut à droite, avait été choisi avec goût, de manière personnalisée. Mon adresse et mon nom précédé d’un « Monsieur » avaient été délicatement rédigés à la plume. Le nom de la ville souligné à la règle. L’écriture était régulière et harmonieuse. L’encre bleu roi avait un peu coulé, sans doute parce qu’en pressant le bouton de l’ascenseur, j’avais tenu l’enveloppe dans la même main que mon parapluie dégoulinant.
Mais j’hésitai trop longtemps. Comme un parachutiste qui refuse de sauter dans le vide après l’avoir longuement fixé. Je me contentai de déposer la lettre que je n’avais pas eu le courage de lire sur la commode de marbre de l’entrée, comme si elle était chauffée à blanc, sur une pile d’une centaine d’autres accumulées au fil des ans. Toutes avaient été ouvertes avec impatience. Certaines étaient déchirées, d’autres avaient déjà jauni. La rage au cœur, je les avais maintes fois lues et relues sans trop y croire. J’espérais toujours avoir manqué une nuance qui m’aurait signifié avec politesse que je méritais une seconde chance. Cent lettres composées de quelques lignes, au langage poli mais sec, lapidaire et assassin, qui avaient à chaque fois piétiné mon amour-propre et m’avaient fait douter de mon talent. Plus terrifiantes à mes yeux que l’annonce d’une maladie mortelle ou d’une rupture amoureuse : un refus d’édition.
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