AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.5/5 (sur 5 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Ex :Neuchâtel , le 22.07.1967
Biographie :

Cédric Comtesse est un écrivain suisse de langue française. Il est né le 22 juillet 1967.
Il est également réalisateur de documentaires historiques diffusés en télévision.

Il vient d'être publié chez les éditions Slatkine.
Son nouveau roman s'appelle paradoxalement "Autoédition".
Il raconte l'histoire d'un écrivain du dimanche prêt à tout pour être publié et devenir un écrivain célèbre...

Ses romans précédents décrivent les noirceurs de notre monde et de notre époque. Son style est fait de phrases courtes et précises sans fioritures.
De Paris à Mexico, en passant par la Syrie, ses personnages errent en essayant d'échapper à la violence qui les entoure. Des romans noirs politiques et sociaux où la poésie trouve également sa place.

Cette fois son nouveau roman "Autoédition" nous fait découvrir un monde tout aussi sombre, celui des écrivains et de l'édition...
+ Voir plus
Ajouter des informations
Bibliographie de Cédric Comtesse   (3)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Fin du chapitre 1:
...Ma boîte aux lettres était pleine à ras bord. Des factures que j’ignorai, de la publicité que je jetai. Et comme un cadeau sous le sapin avant l’heure, la lettre que je n’espérais plus. J’hésitai quelques secondes et pris une grande respiration. Puis j’introduisis mon index dans l’interstice de la seule enveloppe qui avait survécu à mon tri sauvage et déchirai son papier avec nervosité.
Après l’ouverture de la boîte aux lettres, c’était le moment le plus exaltant de ma journée mais je me retins de sortir tout de suite la feuille pliée en deux. J’avais décidé de faire durer le suspense en différant la lecture d’une nouvelle que j’attendais depuis des semaines et qui allait peut- être donner un tournant radical à mon existence, ou simplement la figer dans son morne statu quo.
Avant de m’attaquer au message, j’inspectai la missive avec minutie. L’enveloppe n’était pas ordinaire. Elle était d’un blanc écru. Le grammage de son papier granuleux était épais. Le timbre rouge à l’effigie d’une fière Marianne, bien aligné en haut à droite, avait été choisi avec goût, de manière personnalisée. Mon adresse et mon nom précédé d’un « Monsieur » avaient été délicatement rédigés à la plume. Le nom de la ville souligné à la règle. L’écriture était régulière et harmonieuse. L’encre bleu roi avait un peu coulé, sans doute parce qu’en pressant le bouton de l’ascenseur, j’avais tenu l’enveloppe dans la même main que mon parapluie dégoulinant.
Mais j’hésitai trop longtemps. Comme un parachutiste qui refuse de sauter dans le vide après l’avoir longuement fixé. Je me contentai de déposer la lettre que je n’avais pas eu le courage de lire sur la commode de marbre de l’entrée, comme si elle était chauffée à blanc, sur une pile d’une centaine d’autres accumulées au fil des ans. Toutes avaient été ouvertes avec impatience. Certaines étaient déchirées, d’autres avaient déjà jauni. La rage au cœur, je les avais maintes fois lues et relues sans trop y croire. J’espérais toujours avoir manqué une nuance qui m’aurait signifié avec politesse que je méritais une seconde chance. Cent lettres composées de quelques lignes, au langage poli mais sec, lapidaire et assassin, qui avaient à chaque fois piétiné mon amour-propre et m’avaient fait douter de mon talent. Plus terrifiantes à mes yeux que l’annonce d’une maladie mortelle ou d’une rupture amoureuse : un refus d’édition.
Commenter  J’apprécie          10
Chapitre I. Description de Monsieur K. dans les couloirs de la bibliothèque où il travaille:

Les méandres des couloirs de la bibliothèque universitaire déjà fermée au public depuis plus d’une heure étaient obscurs et déserts. Le mélange d’odeurs provenant du bois patiné des tables d’étude et du cuir des sièges usés par des générations de lecteurs donnait une atmosphère atemporelle à ce lieu. Sans les quelques ordinateurs encore allumés diffusant une lumière bleue, j’aurais pu me croire au XIXe siècle, dans un des romans qui garnissaient les nombreuses étagères, plus précisément dans l’un des ouvrages de mon auteur préféré : Honoré de Balzac. L’ivresse aidant, j’avais l’impression de m’être glissé dans la peau d’un de ses personnages archétypiques, un vieux rond-de-cuir de sa Comédie humaine : fonctionnaire depuis toujours, la petite cinquantaine, célibataire, sans attaches familiales ni animal de compagnie. Mon air maussade et taciturne, ma silhouette rondouillarde, grassouillette aux hanches, mon double menton et mon crâne dégarni, complétaient cette description du personnage secondaire de vieux garçon dont aucun lecteur n’aura jamais pu retenir le nom. À notre époque, j’étais le parfait cliché du mâle blanc. Plus raté que dominant. N’ayant pas eu envie de faire carrière ou de collectionner les conquêtes féminines. Et n’étant jamais sorti du lot en faisant quoi que ce soit.
Les rayons de la lune qui traversaient les oblongues fenêtres gothiques baignaient de lumière les imposantes bibliothèques de cinq mètres de haut. Des milliers de recueils de toutes tailles et de tous âges reliés à l’ancienne de carton et de cuir m’entouraient de part et d’autre. Des millénaires de pensées, des millions de théories et de récits s’empilaient comme autant de strates intellectuelles. J’en avais bien lu quelques centaines mais il m’aurait fallu plus d’une vie entière pour les découvrir tous. À cause de l’alcool, j’avais l’impression que ces tours de livres tanguaient et allaient s’effondrer sur moi pour engloutir mon insignifiance. Je me dépêchai de sortir de ce menaçant labyrinthe de signes et de mots.
Commenter  J’apprécie          10
Cédric Comtesse
Autoédition. Extrait du chapitre V. Monsieur K. est en manque d'inspiration.

Mais cette fois, il en était tout autrement. Après ce dernier refus cuisant, je fus incapable d'écrire quoi que ce soit. La coupe était pleine.
J'avais reçu un coup de baionnette en plein coeur. Je restai complètement paralysé devant mon écran allumé. Seule la vingtaine de lettres aux réponses négatives passaient en boucle dans ma tête jusqu'à la faire éclater. Je n'arrivais même pas à aligner trois points de suspension.
Pour oublier ma défaite, je sirotai une vieille bouteille de vodka laissée dans mon congélateur en prévision des jours mauvais. Je me postai devant la fenêtre, le regard aussi absent que mon esprit. La neige de fin décembre tombait de plus belle sur la rue d'un vide sidéral.
J'allumai la télévision pour finir de m'abrutir sur les chaînes d'info en continu. Je m'affalai, lessivé, sur mon canapé de cuir de style anglais.
En bruit de fond, un débat enflammé à propos d'un acte de vandalisme au musée du Louvre battait son plein. Politiciens de tous bords, journalistes animateurs et invités croisaient le fer. Un piratage informatique du Parlement européen. Une tour de 800 mètres en feu à Dubaï. Une bactérie mangeuse de chair sur les plages de Miami. Une guerre fratricide aux portes de l'Orient. Un vent de contestation soufflait dans les universités du pays. Le prix du gaz prenait l'ascenseur. Le cours du Bitcoin dégringolait. Toutes les mauvaises nouvelles du globe à portée d'oreille. Rien de réel ou d'imaginaire ne pouvait m'inspirer. Je laissai mon ordinateur allumé sur une page blanche jusqu'à ce que sa batterie se vide et qu'il s'éteigne, me plongeant seul dans l'obscurité la plus complète. Une métaphore de moi-même.
Commenter  J’apprécie          10
Belle écriture sobre. Des scènes d’horreur dans des paysages d’enfer ou des paysages luxuriant s. Mais une ambigüité sur la position de l’auteur face au terrorisme (celui de Saïd). Aucun terrorisme ne saurait se justifier, quelle que soit la cause que l’on défend.
Commenter  J’apprécie          20
Cédric Comtesse
Extrait du chapitre II de AUTOÉDITION. Monsieur K. se prépare pour une soirée à son club de lecture et d’écriture.

D’après la liste du flyer de la soirée, c’était à moi de clore la séance de lecture. Jusque-là, j’avais toujours repoussé mon tour et le moment de dévoiler la moindre ligne du roman que j’étais en train d’écrire, en prétextant les raisons les plus idiotes ou incohérentes. Les décès répétés des mêmes membres de ma famille, les transformant en de véritables zombies, et les épidémies de gastro-entérites proches de la fièvre hémorragique faisaient partie des motifs les plus crédibles. La vraie raison de cette temporisation n’avait rien à voir avec une quelconque superstition romantique. Je visais en toute modestie l’ultime perfection. Il fallait que mon style fût pur et fluide. Que l’intrigue fût novatrice et surprenante. Depuis des années, je perfectionnais un manuscrit que je destinais par orgueil au prix Goncourt ou tout au moins au Renaudot. Tel un maniaque, calfeutré dans le cocon de mon appartement que j’avais décoré avec luxe et raffinement, assis à mon bureau Directoire sous la lumière de mon ordinateur portable, je réécrivais des dizaines de fois chaque phrase. Je jouais de la syntaxe comme un virtuose pour donner plus d’impact ou de clarté à mon récit. Je passais des nuits blanches, à la limite de l’indigestion ou de l’ivresse, parfois tenté par les paradis artificiels. Le matin venu, à court d’inspiration et à bout de forces, je me contentais de regarder par la fenêtre, la neige tomber au ralenti l’hiver, les feuilles mortes flotter en apesanteur l’automne et le soleil levant m’aveugler l’été. À moins que je ne me fusse déjà depuis longtemps lâchement endormi, écrasé par l’énormité de ma tâche.
Commenter  J’apprécie          00
Chapitre 2. Monsieur K. à son club de lecture et d'écriture.

À mon arrivée, j’avais été surpris de trouver la salle de réunion pleine à craquer. D’habitude elle était pratiquement vide. Il faut dire que c’était la session la plus importante, la dernière avant les fêtes lors de laquelle on élisait le meilleur texte de l’année. Celle où le buffet canadien était des plus gargantuesques. J’avais encore une fois oublié d’amener quelque chose mais étant donné la quantité de nourriture qu’il y avait toujours, je ne m’inquiétais pas. On aurait pu inviter tous les sans-abris de la ville pour qu’ils se restaurent pendant la trêve de Noël. En temps normal, seul un petit groupe d’habitués venait régulièrement. Quelques-uns par passion de la littérature ou de l’écriture. La plupart parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire de leurs soirées. Je faisais partie des deux groupes et je devais être de loin le plus assidu. En plus de ma production personnelle, je participais bénévolement à l’élaboration des textes des autres membres. En général, je n’intervenais pas sur l’histoire ou le style. Je m’enorgueillissais d’être comme le correcteur officiel du groupe et je me contentais de laisser une patte normative dans leurs écrits. Je mettais ma pierre à l’édifice pour la préservation d’une grammaire et d’une orthographe sans concession. En brave petit fantassin anonyme de la langue française.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Cédric Comtesse (7)Voir plus

Quiz Voir plus

Un titre = un auteur

Si je vous dis "Histoires extraordinaires"

Edgar Allan Poe
Honoré de Balzac
Agatha Christie

7 questions
11206 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}