AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de cedriccomtesse


Cédric Comtesse
Extrait du chapitre II de AUTOÉDITION. Monsieur K. se prépare pour une soirée à son club de lecture et d’écriture.

D’après la liste du flyer de la soirée, c’était à moi de clore la séance de lecture. Jusque-là, j’avais toujours repoussé mon tour et le moment de dévoiler la moindre ligne du roman que j’étais en train d’écrire, en prétextant les raisons les plus idiotes ou incohérentes. Les décès répétés des mêmes membres de ma famille, les transformant en de véritables zombies, et les épidémies de gastro-entérites proches de la fièvre hémorragique faisaient partie des motifs les plus crédibles. La vraie raison de cette temporisation n’avait rien à voir avec une quelconque superstition romantique. Je visais en toute modestie l’ultime perfection. Il fallait que mon style fût pur et fluide. Que l’intrigue fût novatrice et surprenante. Depuis des années, je perfectionnais un manuscrit que je destinais par orgueil au prix Goncourt ou tout au moins au Renaudot. Tel un maniaque, calfeutré dans le cocon de mon appartement que j’avais décoré avec luxe et raffinement, assis à mon bureau Directoire sous la lumière de mon ordinateur portable, je réécrivais des dizaines de fois chaque phrase. Je jouais de la syntaxe comme un virtuose pour donner plus d’impact ou de clarté à mon récit. Je passais des nuits blanches, à la limite de l’indigestion ou de l’ivresse, parfois tenté par les paradis artificiels. Le matin venu, à court d’inspiration et à bout de forces, je me contentais de regarder par la fenêtre, la neige tomber au ralenti l’hiver, les feuilles mortes flotter en apesanteur l’automne et le soleil levant m’aveugler l’été. À moins que je ne me fusse déjà depuis longtemps lâchement endormi, écrasé par l’énormité de ma tâche.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}