César Oudin

Curieuse expression que payer rubis sur l'ongle ! On relève en 1640 faire rubis sur l'ongle, « boire tout, puis égoutter la dernière goutte sur l'ongle ». le grammairien César Oudin y voit une analogie de la goutte de vin avec la pierre précieuse. C'est en 1685 que le dictionnaire de Furetière enregistre la locution payer rubis sur l'ongle, glosée par « payer exactement et immédiatement ». Éclaircissons un peu ces troublantes histoires d'ongle. On utilise depuis le début du XVIIe siècle la traduction littérale du latin ad unguem, c'est-à-dire « complètement » : jusqu'aux ongles. Elle apparaît également sous une forme plus longue : sur le bout des ongles (reformulée aujourd'hui ainsi : jusqu'au bout des ongles) et signifie « être fortement doté d'une qualité ». Cette locution n'est pas sans rappeler savoir quelque chose sur le bout des doigts, c'est-à-dire « parfaitement ». L'idée générale est celle de complétude et de perfection. Revenons à notre rubis. Il faut donc comprendre que l'on paye la somme demandée, symbolisée par la pierre précieuse, de façon immédiate et complète. Que le rubis représente une somme due, nous en avons une preuve dans l'argot ancien de la prostitution. Au XIXe siècle en effet, les filles de joie parlaient de rubis sur pieu, c'est-à-dire d'argent déposé sur le lit.