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Citation de enjie77


Les moustaches frémissent, les yeux s'assombrissent, les chevaux font du sur-place et tournoient imperceptiblement sur eux-mêmes. Albe et Rome sont au bord de la guerre sans savoir qu'elles seront un jour Albe et Rome. Le moindre geste malencontreux, une main glissant trop brusquement sur une hanche, un torse se soulevant trop soudainement, et ce serait un massacre, un bain de sang que toute l'eau du Jourdain, du Lycus et du Chien ne pourrait suffire à laver et tout cela pendant que précisément, dans le domaine, dans la Petite Maison, dans la chambre à coucher, Hélène Callas vient de poser son pied nu dans l'eau de la bassine en émail bleu tandis que le curé se baisse, prend de l'eau de ce petit Jourdain dans une écuelle et la lui reverse sur la tête, une fois, deux fois, trois fois, si bien qu'Hélène a bientôt la robe blanche toute dégoulinante et les cheveux collés contre le front et le cou. Mais alors que Mitri Chéhadé s'apprête à saisir son pistolet et que Ramez Chahine empoigne le couteau qu'il a contre la hanche, Camille est l'objet d'une grâce inespérée. Quelque chose en lui soudain cède, toute la fatuité, le caractère tête brulée, la désinvolture excessive du mâle, tout ça d'un seul coup tombe comme les écailles des yeux du païen et Camille, d'un seul coup, voit, il se voit comme devant un miroir où il surprend son image qu'il ne reconnaît absolument pas. Il se voit dans cette mêlée absurde, il prend conscience qu'il en est le responsable principal et que ce n'est pas l'honneur des Callas qu'il s'apprête à défendre, mais l'entêtement tyrannique de son père et qu'en faisant cela, il est en train de briser stupidement le bonheur que sa sœur s'est choisi, de lui ôter, aussi, une chance unique de mariage, tout ça pour faire plaisir à son despote de père qui s'est juré de garder pour lui ses filles, son Saturne de père prêt à dévorer ses enfants plutôt que de les voir l'abandonner et alors, dans cet instant si bref qu'il ne suffit pas à Ramez Chahine pour empoigner son poignard, ni à Mitri Chéhadé pour refermer sa main sur la crosse de son revolver, dans cet instant Camille Callas choisit sa sœur contre son père et il recule devant Baz Baz, bouscule Ramez Chahine qui lâche son couteau et voici Baz Baz qui traverse le cordon, bientôt suivi par Mitri Chéhadé à qui Ramez Chahine ne peut que céder le passage, puis par Costa Zreiq à qui Sakr Chehab n'oppose plus aucune résistance et finalement les cavaliers du Kesrouane ouvrent complètement le passage et il devient clair que la guerre de Troie n'aura pas lieu.

Pages 132/132 - Il y a comme cela des passages que je trouve "magiques"
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