Vous sentez-vous force au même titre et au même degré, ni plus ni moins, que le vent qui souffle, que l'eau qui coule, que la plante qui pousse, que l'animal qui poursuit et dévore sa proie? Non. Il y a dans votre nature quelque chose de toutes ces forces; mais il y a aussi quelque chose de plus dont vous proclamez l'existence, quand vous dites je veux, je ne veux pas, et dont vous attestez la puissance quand vous agissez ou n'agissez pas conformément à votre volonté.
Celui qui s’est proposé de découvrir les principes de l’art rencontre tôt ou tard devant lui un fait primitif et inexplicable, la vocation. On naît poète : ce mot d’un ancien est resté vrai ; mais on naît artiste aussi, et, parmi les artistes, les uns naissent musiciens, les autres peintres, les autres sculpteurs, les autres architectes. Quelques hommes à peine ont possédé plusieurs de ces aptitudes à la fois ; encore faut-il remarquer que les arts qu’embrassa leur génie étaient frères, comme les arts du dessin, et qu’ils y excellèrent inégalement.
Les marbres du Vatican installés au Louvre excitèrent et portèrent jusqu'à la passion ce goût des études archéologiques et de l’histoire de l’art que diverses circonstances, mais principalement la découverte d’Herculanum, puis celle de Pompéi, avaient fait naître dès le milieu du XVIIe siècle, On demeurait confondu de la perfection de ces statues d'hommes, de dieux, de déesses, auxquelles ne pouvaient être comparées un seul instant les œuvres les plus achevées de notre art national.
Nous ne connaissons directement aucun des êtres autres que nous-mêmes. Nous ne les atteignons qu'en traversant leurs modes et leurs caractères ; ou plutôt, tout ce qui nous est permis, c'est de juger de leur nature interne que nous ne pouvons atteindre, d'après leurs effets, leurs modes et leurs caractères que nous atteignons. En ce cas, le connu, c'est l'ensemble des effets, des modes et des caractères ; l'inconnu, c'est le principe interne, l'être lui-même.
La question psychologique qui a été précédemment posée ainsi : Quels sont les effets du beau sur l'âme humaine? se subdivise en trois autres questions :
1° Quels sont les effets du beau sur l'intelligence ?
2° Quels sont les effets du beau sur notre sensibilité?
3° Quels sont les effets du beau sur notre activité ?
La raison en est facile à comprendre : pour que le beau agisse sur notre âme, il est nécessaire que notre âme soit, qu'elle existe, qu'elle vive: réduite à l'état de substance pure ou nue, elle ne serait rien et n'aurait de rapports avec rien; mais dès là qu'elle est, qu'elle vit, elle vit soit en tant qu'intelligente, soit en tant que sensible, soit en tant qu'active, ou plutôt elle existe toujours de ces trois manières à la fois. Si donc le beau atteint l'âme, c'est ou l'âme intelligente, ou l'âme sentante, ou l'âme active qu'il atteint; ou plutôt, comme nous le verrons, il l'atteint tout entière et la frappe de tous les cotés. Mais comme elle n'existe que de trois manières, elle ne peut que de ces trois manières être touchée par le beau.
Un de nos maîtres les plus chers l'a dit en termes pleins d'autorité et de verve éloquence :
L'antique vérité doit être sans cesse redite, sans cesse accommodée aux nouveaux besoins, aux infirmités nouvelles de l'humanité, sans cesse retournée sous toutes ses faces, repourvue de toutes ses armes, justifiée par de nouvelles expériences, par des nouvelles découvertes.
Les astres ne sont pas tous les foyers de leur propre lumière. Les soleils brillent par eux-mêmes; les planètes et leurs satellites n'ont qu'une lumière empruntée. Les étoiles du ciel sont autant de soleils ayant leur éclat propre et il y en a qui sont plus grands et plus radieux que l'astre principal de noire système. On voit par là que notre soleil est bien loin d'être, comme on le pensait autrefois, la source de la lumière universelle. Vu de la distance qui nous sépare de Sirius, il tomberait au rang d'une étoile de troisième grandeur. Quel flambeau cependant, et que de degrés entre le feu de cette masse incandescente et la faible clarté que répand le satellite de la terre !
Il y a une science de l'esprit, beaucoup de gens la nient; d 'autres, sans la nier, la dédaignent; d 'autres, sans la nier ni la dédaigner, la négligent, croyant avoir mieux à faire que de l'étudier. Cependant, elle est, elle dure .
L'âme est liée au corps. Quiconque aspire à la connaître est tenu de l'analyser dans ses relations avec le corps. La science du beau, plus qu'aucune autre science morale, a besoin d'étudier l'esprit en commerce avec le corps, avec les corps. C'est la conviction qui a dominé tout cet ouvrage. Plus encore que dans le manuscrit envoyé à l'Académie des Sciences morales, plus encore que dans la première édition, on y a invoqué le secours permanent de la physique, de la chimie, de l'histoire naturelle, surtout de la physiologie. Pour amener l'esthétique à l'état de science précise et organisée, aucune étude n'a paru trop ardue.
Les harmonies du règne végétal, quoique merveilleuses, le cèdent pourtant en nombre, en éclat, en richesse à celles du règne animal. Comme le végétal, l'animal naît, respire, se nourrit, croît, se reproduit, et ces fonctions, il les accomplit au moyen d'organes plus savants, plus compliqués, plus parfaits. Il possède, de plus que le végétal, des instruments multiples qui étendent sa vie au delà de lui-même. Ses sens souvent semblables aux nôtres, quelquefois supérieurs, lui créent avec les autres êtres une multitude de relations. De là d'innombrables harmonies dont la signification est profonde.