Une nation ne se construit pas sans mythes, et si l'histoire en donne de nombreux, le droit peut aussi y apporter sa contribution. De toutes les légendes qui courent sur les mœurs des anciens Normands du duché, celle du haro est la plus constante. Combien de fois n'avons-nous pas entendu vanter cette procédure qui fait remonter les causes au Duc lui-même, source de tout droit, fontaine de justice comme l'écrivaient les anciens chroniqueurs. " Haro, mon Duc, on me fait dol ". A ce cri du vilain, poussé sur un talus, l'ost ducal s'arrête, on interrompt la chasse, les fêtes ou les banquets, pour faire droit sur l'instant au faible malmené. Tel le neuvième des Louis de France, mais bien avant, les anciens rois de la mer, reconvertis en propriétaires terriens, rendent la justice pour leurs sujets. Suprême ironie de l'histoire, les anciens pirates deviennent ainsi l'ultime recours contre l'arbitraire et la force ! Et s'il est une image de la primauté du droit qui marquera bien des histoires de la Normandie, c'est celle de Guillaume Asselin se dressant devant le cercueil du Duc-roi, le Bâtard conquérant, pour en interrompre les funérailles et faire reconnaître son droit.