Il faut savoir que même si j’ai évidemment lu les deux premiers tomes des Prélats de Faneas, j’avais totalement oublié l’intrigue principale. C’est pourquoi j’ai commencé ma lecture en me posant beaucoup de questions comme pourquoi les personnages sont à cet endroit et font ce qu’ils font, ou encore pourquoi Noctis et Sora ne sont pas avec Astéria, Cléora et Kaede comme d’habitude. Peut-être que j’aurais dû relire la fin du tome précédent avant de lire celui-ci, mais je me dis également qu’un bon nombre de lecteurs ne lisent pas les tomes les uns à la suite sans faire de pause entre eux, et que je ne me devais pas de relire un roman que j’avais déjà lu. C’est d’autant plus vrai que lorsque j’ai lu le tome deux, le troisième n’était pas encore sorti. Ce que je reproche donc à ce début de roman, c’est le fait de commencer trop au centre de l’action, sans aucune accroche pour se rappeler les dernières péripéties du tome deux. J’ai donc avancé dans les cent premières pages avec beaucoup d’interrogations en tête et j’ai dû me débrouiller seule, sans l’aide de l’autrice.
L’intrigue est d’un côté simple à réaliser puisqu’il s’agit de retrouver le plein pouvoir de l’ordalie de Cléora dans un premier temps, puis d’aider la résistance dans un deuxième temps, mais cette simplicité est trompeuse. De nombreuses intrigues secondaires et péripéties viennent étoffer le récit. En réalité, ce sont ces intrigues secondaires qui sont le plus intéressantes dans le roman car sans elles, ce dernier serait plutôt fade. Mais ce n’est pas une mauvaise chose car l’autrice a réussi l’exploit de relier toutes les péripéties entre elles, sans que leurs liens soient trop tôt évidents pour le lecteur, mais en leur donnant à chacun une réelle raison d’exister sans paraître artificielle.
Tout au long du roman, je me suis retrouvée ballotée dans tous les sens dans des péripéties qui n’en finissaient jamais et qui m’empêchaient de m’ennuyer. Les scènes avaient la longueur qu’il fallait et étaient dans l’ensemble plutôt cohérentes. Tout au long du roman nous avons plusieurs récits de quête qui mènent à chaque fois à une conclusion qui pressent de plus en plus les personnages vers Maboroshi. Cependant, encore une fois, alors que dans le tome 1 la romance ne m’avait pas dérangée, je ne trouve pas qu’elle ait autant sa place ici. Certes, certains personnages étant en couple, il faut bien entretenir le couple, mais des fois le sentiment amoureux est totalement dénaturé et a l’air brouillon. Au bout d’un certain temps, lorsque le lecteur est plongé dans une saga de high fantasy, il faut laisser la romance de côté pour avancer plus rapidement dans l’intrigue.
Lorsque nous présentons l’univers de ce roman comme étant divisé en quatre régions principales régies par les quatre éléments fondamentaux (eau, air, terre, feu) et que chaque personnage ne peut maîtriser qu’un seul élément selon sa nationalité mais qu’il existe une exception, la reine de cet univers, un grand nombre de lecteurs peuvent rapprocher ce descriptif de l’univers magique d’Avatar le dernier maître de l’air. Je n’irai évidemment pas jusqu’à dire que c’est du plagiat, mais les similitudes sont évidentes et l’originalité de l’ouvrage en prend un coup. C’est vraiment dommage parce que l’autrice a énormément travaillé son univers et constaté qu’il est semblable à un autre rend le travail moins crédible.
Outre cela, l’univers du roman est étalé au point d’avoir besoin d’une carte, située au début du livre. De nombreuses régions et villes sont alors présentées et, en tant que lecteurs, nous nous attendons à ce qu’elles soient visitées par les personnages. J’aime beaucoup lorsque les univers sont développés à ce point, et pour le coup, Les Prélats de Faneas représentent une excellente saga. Ainsi, dans ce troisième tome, nous visitons le domaine des Grands Lacs et différents lieux sous l’emprise de Maboroshi, pour la première fois dans la saga. Même si l’autrice passe beaucoup de temps sur le domaine des Grands Lacs en expliquant son fonctionnement, j’ai été plutôt ennuyée par toute cette partie du roman dont je ne me trouvais pas réellement concernée. Cette partie de l’univers n’est pas du tout au centre du roman, et bien que la façon dont cette région a été imaginée est très belle, je n’en ai pas ressenti l’utilité. En revanche, j’ai beaucoup plus été intriguée par les scènes impliquant directement le personnage de Maboroshi. C’est dans ces moments-là que la tension est la plus forte et que je me sens poussée par le récit.
C. Abécassis Weigel a construit son univers en s’inspirant de nombreuses mythologies différentes, nordique, gréco-romaine, bretonne, orientale, arabe… Je ne sais toujours pas si j’apprécie ce mélange ou non. Je suis plutôt perplexe car je me dis que l’autrice aurait facilement pu tout créer d’elle-même jusqu’au nom des villes, des personnages et des objets. Au lieu de ça, elle a mis toutes les mythologies dans le même sac. Cet aspect est annoncé par la quatrième de couverture, avec notamment « Ne vous êtes-vous jamais demandé où naissent les récits de vos anciennes légendes ? » écrit dans la quatrième de couverture. Si cet aspect était assumé dans le roman, je n’aurais eu aucun problème avec celui-ci, mais le souci c’est que cette idée d’origine n’est pas du tout utilisée dans le récit. Les objets portent des noms qui nous sont familiers, mais sans aucun rapport avec notre monde. Peut-être que le tome 4 saura se montrer plus convaincant sur ce point…
Concernant les protagonistes, j’avais aimé la personnalité de Kaede dans le tome 1, mais j’avais trouvé les autres personnages très stéréotypés. Malheureusement, depuis que Kaede est entré dans le camp des gentils, sa personnalité piquante a totalement disparu, le rendant aussi fade qu’Astéria, Cléora et Noctis. Dès le début du roman, j’ai trouvé tous ces personnages fades, identiques et stéréotypés. Ils se soucient davantage de ce qu’ils paraissent que de ce qui est bon pour eux. Les seuls dilemmes auxquels ils sont confrontés sont des dilemmes que je trouve futiles et qui dénotent avec la gravité de la situation (une reine qui doit relever son peuple après sa presque extermination). Si ces personnages étaient moins soumis à leurs émotions internes et personnelles, le roman aurait été bien plus agréable à la lecture. En effet, la grande majorité des émotions est mal utilisée. Les protagonistes sont tristes pour un rien, émus pour un rien, culpabilisent pour rien, avec un instinct hors du commun et une faculté à comprendre les pensées d’autrui qui sont totalement irréalistes. C’est en cela que j’ai préféré les personnages secondaires : étant moins développés, je n’ai pas subi leurs dilemmes internes et j’ai pu beaucoup plus m’intéresser aux péripéties et au récit.
Les principaux points que je regrette dans ce roman se trouvent dans l’écriture. En effet, le vocabulaire est répétitif et plutôt pauvre, du moins suffisamment pour que je le remarque et qu’il me dérange, mais peut-être est-ce à cause des répétitions de l’action. En effet, ça arrive régulièrement qu’une péripétie arrive à un moment donné (surtout sous forme de pensées de l’un des personnages), puis dix lignes plus tard nous retrouvons la même péripétie d’un autre point de vue, soit toujours sous forme de pensées mais chez un autre personnage, soit sous forme de discours rapporté explicitement exprimé. Le problème c’est que ces répétitions surviennent quasiment une page sur deux, et ça en devient épuisant à force de lire plusieurs fois les mêmes péripéties et pensées.
Malheureusement, ce n’est pas le seul défaut du style d’écriture de C. Abécassis Weigel. Le deuxième point noir que je voudrais soulever est celle de l’absence de polyphonie. De nombreux dialogues sont forcés, avec souvent des tournures pas du tout naturelles. Dans sa volonté d’écrire dans un registre soutenu, l’autrice a rendu ses personnages totalement artificiels auxquels le lecteur peut difficilement s’identifier. De nombreuses phrases pompeuses n’avaient pas leur place dans les dialogues. Ce travail à la recherche de la perfection n’a pas été fructueux puisque l’effet rendu est l’absence totale de polyphonie. Cela signifie que les voix (des personnages et du narrateur) sont toutes les mêmes et que le lecteur ne pourrait reconnaître quel personnage parle s’il lit un dialogue sans incise. Personnellement, c’est ce point-ci qui m’a sortie le plus de ma lecture.
Points positifs :
– imagination fructueuse
– action du début à la fin
– univers très développé
Points négatifs :
– vocabulaire répétitif
– personnages tous identitiques
– dialogues forcés
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