AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de John_P


John_P
12 décembre 2023
(...) d'après Arendt, l'un des effets les plus singuliers de l'abolition de l'espace d'interrelation entre les hommes fut une atteinte au sens du réel lui-même : perdre le contact avec ses semblables, c'est perdre le contact avec la réalité, c'est-à-dire perdre à la fois la faculté d'expérimenter et celle de penser : "Le sujet idéal du règne totalitaire, écrit Arendt, n'est (pas) le nazi convaincu... mais l'homme pour qui la distinction entre faits et fiction (c'est-à-dire la réalité de l'expérience) et la distinction entre vrai et faux (c'est-à-dire les normes de la pensée) n'existe plus." Tout se passe comme si le fictif finissait par devenir plus plausible que le perçu. Seulement au lieu, comme le fait Arendt dans ce passage d'attribuer ce processus à la seule pression de la logique remplaçant la pensée, on pourrait parler d'une institution non seulement imaginaire mais illusoire voire hallucinatoire de la société, pour reprendre la formule de C. Castoriadis et pour aller dans le sens d'autres développements d'Arendt elle-même. Une telle institution passe par l'idéologie tout autant que par des dispositifs spatiaux, visuels ou auditifs. Dès lors, quand la réalité elle-même devient fiction ou cauchemar, on pourrait - avec Charlotte Beradt - formuler l'hypothèse que l'activité onirique entre dans une connivence plus intime avec l'extériorité que la pensée de veille rationnelle. Ses procédés propres lui donnent l'avantage de pousser à la limite certains schèmes encore à l'état d'émergence dans l'extériorité, ce qui revient à les rendre explicites, manifestes. (extrait de la préface de Martine Leibovici, "Les fables politiques de Charlotte Beradt", p. 26-27)
Commenter  J’apprécie          00









{* *}