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3.62/5 (sur 34 notes)

Biographie :

Il paraît que le droit mène à tout. Preuve en est. Avocate de formation, évoluant en droit du travail et des affaires pendant quinze ans, Charlotte Milandri a opéré un virage à 180 degrés pour trouver sa place dans l'univers du livre. Fondatrice de l'association des 68 premières fois autour des premiers romans qui met en avant des jeunes auteurs et développe des actions en univers carcéral, auteure d'un blog L'insatiable, modératrice notamment du parcours littéraire imaginé avec le théâtre de l'Etoile du Nord, elle a décidé de mettre en adéquation passion et vie professionnelle. Elle a suivi la formation Pratiques et recherche en atelier d'écriture à Nantes et dispense des ateliers d'écriture en univers carcéral. Après avoir lu plus de 600 premiers romans, elle est désormais en charge du service éditorial de l'École Les Mots afin d'accompagner les apprentis auteurs dans le déploiement du processus créatif.


Charlotte Milandri est aussi auteure. Son premier roman, Au sol, paraîtra le 30 août 2023 aux éditions Les Equateurs.
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Source : Les Mots
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Charlotte Milandri présente "Au sol" (le 9 septembre 2023 lors du festival de la librairie "un point un trait" à Lodève)


Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le quatrième jour, l’indifférente devient louve, lionne, hyène. N’approchez plus de son corps. Il n’y a que lui. Moi.
Et le reste, à la porte. Personne dans le périmètre. Laissez-moi son cou, son odeur, la douceur de son duvet. Laissez-le contre mon sein, ma peau.
Attention, je mords. C’est ce qu’on aurait vu écrit sur la cage. C’est ça qu’on verrait sur la médaille de sa laisse.
Oui Paul, on rentre. Une glace. Chocolat. Partout sur le tee-shirt. Les mains collantes. Le mal de ventre. Trois boules, c’est trop. Enfin, Claire, à quoi as-tu pensé ?
À le rendre sucré.
À lui adoucir les souvenirs.
À détourner son regard des yeux tristes de sa mère. À lui faire croire que le ciel est à portée de main.
À le gorger de cette odeur d’enfance. Sable. Gravier. Chocolat. À lui fabriquer un présent papier bulle.
À tout faire pour qu’il ne se rende pas encore compte qu’il lui manquera des bras autour de lui.
Plus tard.
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(Les premières pages du livre)

La maison est calme.
Paul est un enfant du soir. Claire veille des heures sur son sommeil qui peine à arriver, le matin le garde endormi.
Elle se lève dès le premier œil ouvert, glisse sur le parquet, évite les lattes qui grincent, passe dans la chambre de l’enfant, respire la quiétude du corps encore chaud.
Ne surtout pas le réveiller. Retarder le premier maman qui en appellera des dizaines d’autres.
Robinet. Verre d’eau. À grandes gorgées.

Elle prend le sac à dos noir préparé la veille près de la porte pour limiter les mouvements, les frottements des tissus, les portes de placard à retenir pour ne pas que le bruit sec retentisse. Elle tourne la clé dans la serrure, enfile son gilet une fois dans la rue.
Courgettes. Quatre. Pommes de terre. Un kilo. Tomates. Six.
Oignons. Deux. Carottes. Une botte. Les fanes ? Coupez-les.

Elle charge son sac, méticuleusement, du plus lourd au plus léger. Elle sent dans son dos l’arrondi des légumes, la carotte qui sort de son rang pour se loger au milieu de sa colonne vertébrale.
Madame, deux dorades comme d’habitude ? Comme d’habitude. On les vide ? Le couteau sur les écailles qui sautent partout, la tête tranchée, la lame qui s’insinue, le geste précis, la chair qui s’en libère. Une poignée de crevettes. Roses pour l’enfant. Grises pour elle dont elle n’enlèvera que la tête et la queue avant de croquer. Un peu de citron.
Un kilo de fraises, une livre d’abricots, des bananes presque vertes. On a des melons délicieux, je vous en mets un ? Claire sourit. Elle charge l’autre sac, celui qu’elle va porter à l’épaule gauche. Ça penche.
Un poulet, bien doré. Elle désigne celui sur la broche. Le boucher s’exécute, retire l’acier du feu brûlant, fait coulisser l’animal. De la sauce ? Oui, que ça dégouline sur les joues de l’enfant.
Épaule droite. Équilibre retrouvé.

Une pièce dans le gobelet froissé de l’homme qui, tous les dimanches, lui sourit. Bonne journée, Mademoiselle. Bonne santé.
Mademoiselle reprend son chemin d’un pas plus alerte que ce matin, alors même que dix kilos lui strient les épaules. Elle regarde sa montre, elle a perdu un peu de temps à la poissonnerie, s’arrête à la boulangerie.
Une baguette. Un croissant. Un pain au chocolat.

Bon dimanche.

Elle hâte le pas, franchit le seuil, tend l’oreille. Paul dort encore.

Les carottes dans le bac à légumes. Les pommes de terre dans la caisse en bois en dessous du plan de travail. Les oignons, à côté. Le poisson et les crevettes dans le bac de gauche. Le poulet posé à côté de la cuisinière.
Elle sort le bol jaune de Paul, celui qu’elle lave à la main chaque jour pour qu’il soit propre pour le matin suivant. Elle pose une tasse sous la cafetière.
Une assiette, le croissant d’un côté de la table.

Une assiette, le pain au chocolat, collé au bol jaune, de l’autre.

Elle commence par les oignons. Ça ne la fait plus pleurer les oignons, les émince finement. Elle aime l’odeur qui lui restera sur les mains.
Les courgettes. Couper les deux bouts.
Longues bandes vertes.
Sève. Filaments. Mains collantes.
Gratter la paume.

Les tomates.

Une croix dessus.
Les plonger dans l’eau bouillante. Les retirer.
Se brûler la pulpe des doigts. Tirer la peau.
D’un pan.
Le jus qui tente de s’échapper. Les poser dans le saladier.

Maman.

Maman.

Atteindre le lit avant le troisième maman. Embrasser le front, les joues. Un câlin rapide. Déjà, enfiler les chaussons qui déserteront les pieds à la première occasion, un sous le canapé, l’autre dans la cuisine.
Faire couler le lait, une cuillère de chocolat, chauffer une minute, faire tomber la paille dans le bol. La bouche mastiquant. Les miettes qui surnagent.
Frigo. Verre de jus d’orange. Shoot de sucre.

On va jouer, maman ? Claire s’assoit à même le tapis, bat les cartes, les distribue. Elle fait semblant quand arrive le moment de la bataille de saisir la carte du dessus alors qu’elle déniche celle du dessous, l’enfant doit gagner. Il s’arrête au milieu de la troisième partie, elle rassemble le jeu, le remet dans la boîte. Un puzzle ? Un puzzle. Les coins d’abord, il commence par le centre, le chat bleu, s’agace quand ça coince. Il suffit de tourner mon chéri. Encore, voilà.
Le pas de Julien qui s’approche, le baiser déposé sur son front, la main dans les cheveux de Paul. Déjà dans la cuisine, le café qui coule, le merci habituel pour le croissant.
L’enfant dans sa chambre. Maman, je ne trouve pas le bonhomme rouge, tu sais celui avec son sac ? Fouiller les caisses, le trouver. Voir le sourire de l’enfant. Dans cinq minutes, ce sera le bleu, le vert, le jaune. Tous les sortir, ce sera fait.
On s’habille Paul. Refus. Viens, on compte jusqu’à trente, il faut gagner avant. L’empressement tout à coup. Tee-shirt, slip, short. Pas de chaussettes, il fait chaud. Elle pose le pyjama sur le lit après avoir tiré la couette. Reste un peu, Maman. Elle s’assoit sur les dessins d’animaux recouvrant le drap. Elle le regarde s’affairer avec la vie qu’il s’invente. On ferait comme si j’étais un aventurier. Et toi une princesse que je dois délivrer. Fais comme si, mon chéri.
Julien sort, le sport du dimanche. Avec un peu de chance, il sera là à midi. Midi trente au plus tard. Sinon, il faudra mettre du beurre sur un morceau de pain pour faire patienter Paul. Je vais faire cuire les courgettes, je reviens. Elle sait que l’enfant ne tiendra pas cinq minutes, qu’il viendra sur la table derrière elle, des crayons et des feuilles. Elle mettra de la musique, elle aura le temps d’une chanson à elle, avant qu’il ne demande des comptines, des crocodiles qui s’en vont à la guerre ou des petits escargots qui portent sur le dos leurs maisons.
Huile d’olive chaude. Oignon.
Remuer. Translucide.
Courgette. En carrés réguliers. Sel. Estragon.
Remuer. Couvrir. Veiller.

Allumer le four. Poser le poulet dans un plat. Faire couler la sauce au fond. 120 degrés.
Les tomates. Les couper en quartier. Huile. Vinaigre. Sel. Dans un verre, ciseler le persil cueilli dans le pot au bord de la fenêtre. Juste pour elle, pas de vert Maman, pas de vert Claire. Toi, si tu veux.
Maman, dessine-moi un avion. Tenter. Il n’est pas très beau, ton avion, Maman.
Tiens, ils sont pour toi. Trois dessins. Tu reconnais ? Claire hésite. Enfin, maman, un jardin, la mer et nous. Un gros rond et un trait. Je suis quoi moi ? Ben le trait, maman.
J’ai faim. 12 h 03. Pas le croûton maman. Enlever le croûton, couper une tranche. La beurrer. Mais tu mangeras hein ?
Julien. 12 h 35. Les tomates, un peu Paul. Le pain qui sauce l’assiette. Le poulet qu’elle découpe. Ailes. Cuisses. Blancs. La sauce dans un bol, une cuillère dedans. Les courgettes dorées. Un dessin de plus et elles attachaient à la casserole. Une glace pour le dessert. Rien pour moi.
Débarrasser. Rincer. Laver. Les miettes dans la main. Poubelle. Place nette.
Comme un dimanche matin.

Claire doit accélérer la cadence, les escaliers deux à deux. Elle cherche dans son sac sans fond la carte, sa photo, son numéro de matricule presque, le sésame pour n’avoir pas à vider ses poches. Elle enlève sa ceinture, ouvre en grand le sac pour que l’homme au gilet orange vérifie qu’elle n’est pas dangereuse. Elle contourne le portique, les alarmes, le rouge pour une pièce oubliée dans une poche.
Son ventre se digère lui-même, rien à se mettre sous l’acide depuis des heures, toujours le même dérèglement. La veille, Claire ne peut jamais rien manger, elle prépare des belles assiettes pour les hommes de la maison, je n’ai pas arrêté de grignoter, n’avale que deux ou trois radis. Julien tente de la rassurer, tu es la meilleure, tu vas gagner encore demain, pas de stress.
Elle traverse la salle des pas perdus, parfois les mots ne mentent pas, se dirige vers la salle du fond, celle qui aujourd’hui accueille les affaires civiles, là où il y a quelques jours une femme en prenait pour vingt ans. Elle a suivi, de loin, l’affaire, les médias assoiffés de sang sur les lèvres, les normaux qui se rassurent de leur normalité mais qui ne résistent pas au sensationnel, l’avocate qui avait joué la carte de la victime agissante, de ce qu’elle avait subi enfant pour expliquer la dérive, les babines acérées, le besoin de vengeance, la femme qui plante l’homme, à froid, avec préméditation, sans remords, sans regret, il n’avait qu’à pas me tromper avec l’autre. La pute. Elle n’a jamais osé Claire enfiler la robe pour ces cas-là, elle se dit ce matin qu’elle aurait dû, mettre les mains dans la merde et tenter de prouver qu’elles sont propres, comme un enfant à qui on dit de se laver les mains avant le repas et dont on accepte le mensonge.
Elle caresse la joue de Julien, lui sourit quand il sort la litanie de compliments, elle s’en fout de la cause qu’elle défend, de l’entreprise qu’elle va sauver d’un gros chèque à décaisser alors qu’elle passe son temps à faire du fric en niant l’humain. Elle sait que ce n’est pas ça qui lui vrille les tripes, ce pourquoi ses dents ont grincé toute la nuit, au réveil la mâchoire à débloquer. Parfois, son propre bruit la réveille, le vacarme que ça fait de frotter ce qui ne doit pas l’être. Le marteau et l’enclume, c’est le dentiste qui lui avait dit : je ne sais pas ce que vous faites avec vos dents, on dirait qu’elles sont coincées entre le marteau et l’enclume. S’il n’y avait que les dents, docteur.
La porte est ouverte, le restera, le spectacle est public, gratuit. Prenez vos tickets. Les derniers rangs sont occupés par ceux qui pensent pouvoir comparaître seuls. Manteaux fatigués. Pochette cartonnée sur les genoux. La convocation relue dix fois. Le regard que déjà on baisse. Attente du moment où l’on vous sonnera. Devant, faites place aux gens en noir. Claire sourit de loin à ses collègues. Consœurs, il faut dire consœurs, Claire. Plutôt se mordre la langue au sang. Personne ne la connaît, elle ne va jamais aux soirées d’entre-soi, elle l’a fait une fois, ne recommencera pas. Elle déteste faire
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Tout va bien, puisque tout sera Normal.
Ils seront malheureux. Normalement.
Je veux faire la pute.
Je veux, comme ces gens qui ne sont pas normaux, ne plus me contenter, ne plus voir vos gueules fatiguées tous les jours, il faut déjà que je supporte la mienne.
Je veux partir quand tout se ternit, je veux décider ça un matin et le faire. Ne pas planifier, attendre. Je veux l’inconfort, le dangereux, le fatigant, l’épuisant, l’écorchure et la morsure.
Je veux la retourner la table sur laquelle vous êtes en train de manger, faire taire vos bouches.
Et si je le faisais ?
Si là, d’un geste, je soulevais la table? Verre de vin rouge sur nappe blanche. Sauce de poulet sur jupe.
Bris de porcelaine sous vos chaussures. Des cris.
Puis le silence. Moi. Debout.
Sans un mot.
Je sortirai. Vous aurez à dire alors. Je deviendrai le centre de vos discussions. Elle est folle.
Vous me trouverez mille excuses. La fatigue, le stress. Moi, je l’ai toujours trouvée un peu bizarre, Claire. Elle a dans le regard quelque chose qui fait peur. Vous auriez tout ramassé, chacun serait rentré chez soi. Non, vous seriez restés. p. 94
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Ravage de noir, de blanc, de brun. Les formes hypnotiques, les contours déchirés. Les couches de peinture, les paquets par endroits, le relief. On voudrait toucher. Passer la main et comme sur un mur crépi que l’on n’a pas lissé, jouer avec le risque d’éraflure.
Miettes de cerveau contre miettes de peinture. p. 60
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Elle court après le silence pour ne pas qu'il s'installe.
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