Cherry M. Platt

Je viens de choquer Darren. Monsieur doit avoir l’habitude des nanas qui lui lèchent les pieds et se prosternent. Mais je ne suis pas comme ça. Je choisis, je décide, et si le mec est naze, je le dégage. C’est aussi simple que ça. J’ai le droit d’avoir le contrôle sur mon corps. De décider de qui va me baiser. C’est ma liberté. Et je n’y renoncerai pas.

Parfois, je crois posséder un objet, un bijou, un poste. Puis, mon passé se charge toujours de revenir au galop pour me le voler. Alors, il me l’arrache des mains et me regarde souffrir.
La perte est une chose horrible. Ma vie est comme du sable qui coulerait entre mes doigts sans que je ne puisse rien y faire. Elle m’échappe, ne m’appartient pas.

Mes contrats interdisent aux hôtesses la nudité et les rapports sexuels avec nos clients. Elles sont là pour faire rêver, pour être des œuvres d’art qu’on ne peut toucher. Ils ne peuvent qu’imaginer la nudité, la fantasmer.
Des œuvres d’art. Je ne m’étais jamais envisagée ainsi. Je sais que j’ai des atouts, que les mecs aiment mon corps. Mais ils m’aiment car je pue le sexe, la chatte à défoncer. La voix rocailleuse de Somber Jack me hante. Elle me possède, me pousse à croire que je ne suis rien de plus qu’un trou à baiser. Je le hais. Je le hais de toute mon âme. Je rêve de le briser cet enculé !
— Je le laisser avoir une emprise sur moi. Mais ce monstre a mon cerveau au creux de la main.
— Quel étage ? je questionne mollement.

Il est trois heures du matin, le moment pour moi de déguerpir. J’ai eu ma partie de jambes en l’air avec Dimanche, et je ne compte pas me la jouer romantique en partageant le petit-déjeuner avec lui.
Dimanche a certainement un vrai prénom. Mais je m’en fous totalement. Il est un super coup, attentif à mes désirs, et ne pose pas vraiment de questions sur ma vie. Et c’est exactement ce qu’il me faut. Un homme bien foutu qui me fait jouir sans vouloir disserter sur mon vécu.
J’ai besoin du sexe pour me prouver que mon corps m’appartient. Que j’ai la maîtrise d’au moins quelque chose. Dimanche sait qu’il n’y aura jamais rien d’autre entre nous.

Je n’aime pas mon corps. Pas parce que je le trouve moche, non. Mais parce qu’il porte les stigmates d’un lourd passé. Je me sers de mon physique pour m’en sortir, parce qu’au fond je n’ai pas plus de considération pour mon corps que pour un déchet. J’essaie de me le réapproprier, de me noyer dans le sexe avec Dimanche pour avoir la sensation que mon corps peut m’apporter de bonnes choses. Qu’il peut être une source de plaisir et non pas un souvenir qui me scarifie l’âme.

Je veux être libre. Je veux avancer sans me soucier des conséquences de mes actes. Et partir à New York, me fondre dans l’anonymat de la foule, c’est parfait. Je ne lui dirai jamais, mais j’ai la conviction que Darren Hood est ma chance. Un miracle que je n’attendais plus. Jeanine m’étreint, j’enfouis mon visage dans son cou. Les Applered sont des gens si merveilleux. Ils ont un cœur d’or et je leur souhaite de finir par faire fortune avec leurs activités.

Dans le Montana, j’étais la plus belle. Mais pour le Harem, je dois être une fille quelconque. Peut-être que Darren m’a trouvée particulièrement belle à côté des filles ordinaires de mon État, mais ici je ne suis pas à la hauteur. Et ça, ça me brise le cœur. « Tu n’es qu’une petite chatte étroite à éclater. » On n’imagine pas à quel point des mots peuvent buriner le cerveau. Planter un clou douloureux dans l’âme.

Je refuse de m’attacher à un mec, ou pire encore d’en dépendre. Je tiens à ma liberté. Je fuis comme la peste les hommes qui me supplient pour avoir mon numéro, ceux qui me promettent de m’aimer, me chérir et me mettre à l’abri dans une jolie maison. Parfaitement, il y a des gars qui se payent une danse privée avec moi non pas pour admirer mon cul, mais pour me parler mariage et gosses.

Elle est comme une enfant surexcitée. Je sens qu’elle ne joue pas la carte du bonheur seulement pour me convaincre. Elle y croit vraiment, elle est si épanouie que je me mets à la jalouser douloureusement. J’ignore si bosser pour Darren va réellement me plaire. Mais ce qui est certain, c’est que la déception sera mortelle si jamais le job trahit cette confiance qui commence à éclore.

Je le déteste. C’est lui qui m’a fait haïr celle que je suis. Il m’a tout pris. Il m’a volé tout ce que j’avais de plus précieux. Il a fait de moi cette âme torturée et en peine qui erre en espérant des jours meilleurs. J’ai la sensation d’être morte, de n’être qu’un zombie qui attend le jour où il ne sera plus entre le monde des défunts et celui des vivants.