"Je crois que c'est l' heure des bulles ", annonçait-elle joyeusement vers 6 ou 7 heures du soir, et la maison se chargeait alors d'une atmosphère de fête.
Il se sentait plutôt pitoyable comme homme.
Il se rappela une histoire que lui avait racontée sa mère, quelques semaines avant le mariage, sur un de ses grands-oncles qui avait tenté de déserter de l'armée de Hood après la bataille de Chickamauga. Il était rentré jusqu'à chez lui, rapportait-elle, mais sur le seuil, sa femme l'avait menacé avec un fusil et avait exigé qu'il reparte jusqu'à ce qu'ils aient gagné la guerre, sinon elle le tuerait. Il avait réintégré son régiment "docilement", pour reprendre le mot de sa mère, et était mort de dysenterie après la reddition.
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Les plages étaient désertes, les magasins fermés, aucune lumière aux fenêtres des maisons de New Hampshire Avenue. Depuis des mois, Effie lui parlait de cet endroit et de tout ce qu’ils y feraient, mais elle n’avait fréquenté ces lieux qu’en été, et on était fin septembre. Elle n’avait pas compris ce que signifiait exactement « hors saison ». Venus de Géorgie par le train de nuit, ils étaient censés y passer deux semaines pour leur voyage de noces.
« J’adore, déclara Henry le premier soir. On dirait qu’on a toute la ville pour nous. »
Effie avait ri mais, une minute plus tard, elle fondait en larmes.
« Ça n’est rien, dit-elle. Rien du tout, vraiment. Ne me traite pas comme une petite chose fragile. Je suis fatiguée, voilà tout. » Elle lui sourit. « Je suis contente que ça te plaise. On va vraiment passer des moments merveilleux. »
Repu, décapé, se sentant jeune et beau, Henry descendit New Hampshire Avenue, et à l’angle de Philadelphia Avenue, prit la direction de la plage. De petits nuages gris filaient dans le ciel, et le soleil de midi brillait par intermittences. Un vrai vagabond. Sans domicile fixe pour l’instant. Comme Alma. Il n’était pas impossible qu’il la croise. Peut-être Max et Clara étaient-ils rentrés, et se serait-elle attardée à la plage. Et alors ? Rien. N’importe quoi. Il était au sommet d’une colline d’où il voyait son passé, son présent et tous les futurs possibles, chaque éventualité lui semblant tout aussi envisageable parce qu’il n’en avait encore choisi aucune. Il allait devoir se décider à un moment où à un autre, il le savait, mais pour l’instant, toutes restaient possibles, si présentes qu’il avait presque l’impression de pouvoir les toucher du doigt.
"Tu seras sans cesse obligé de travailler sur toi-même, et ce sera toujours un combat. Mais c'est ce combat qui fera de toi un type bien".
Cette femme était un vrai tourbillon. Henry n'avait jamais connu personne de semblable.Elle devait avoir à peine plus de trente ans, estima-t-il, et elle était franchement imposante. Pas seulement physiquement, mais entourée d'une sorte d'aura, un peu comme Jayne Mansfield si elle était passée de l'autre côté de l'écran au drive -in.
"Satan se cachait sous les plus beaux masques, et savait manier compliments et flatteries. Il aurait pu écouter cette femme toute la journée sans se lasser."P.40
"Si on peut faire seulement semblant d'être heureux pendant un moment, on fini par l'être"P.214
"Mais quand on ne cherche pas les signes, on leur reste aveugle."P.234
"Les gens ne changent jamais du tout au tout"P.38