Venue d'Asie, la peste noire atteint la France en 1348 et l'Angleterre en 1349. Dans des conditions précaires d'hygiène et d'ignorance, le mal se répand, telle une grande malédiction, avec une incroyable virulence, créant sur son passage une véritable psychose populaire. Les grands fléaux du Moyen Age furent toujours considérés comme une manifestation de la colère divine. On s'en prend alors aux juifs, éternelles victimes du mécontentement populaire, tandis que descendent du nord des mystiques flagellants qui parcourent, ensanglantés, les routes et les chemins. On évalue à vint-cinq millions le nombre des victimes de ce fléau européen. Sur quatre millions d'habitants, l'Angleterre comptera près de deux millions de morts, soit la moitié de la population. Certains villages, rapporte le chroniqueur, n'ont plus assez de bras pour enterrer leurs morts, et les agonisants creusent eux-mêmes leurs tombes pour disposer d'une sépulture décente. Lorsque l'Europe sort de son hébétude, cette dépopulation foudroyante a donné un nouveau visage à l'Angleterre. La vie économique et sociale est bouleversée. Si les classes aisées ne sont que modérément touchées par le fléau, c'est parmi les classes déshéritées que les victimes sont les plus nombreuses. La main-d'oeuvre agricole et artisanale devient rare. la masse des métayers et ouvriers agricoles, brusquement enrichie des terres qui manquent de bras et de l'importance de la demande, exige des locations moins chères et des traitements élevés. Beaucoup de vilains abandonnent leurs tenures pour profiter de la montée en flèche des salaires. Afin de conserver leurs métayers, les propriétaires n'hésitent pas à faire de lourdes concessions.
1707 - [p. 191/192]