Au premier étage, l'équipe technique était déjà au travail: photos, paluches, plans. Les flashs du photographe pénétraient dans le moindre interstice de l'appartement. Sur le parquet du vestibule, le corps de la victime. Même s'il en croisait plusieurs par an depuis quinze ans, Joubert détestait ce moment, la vision de la chair sans vie, cette blancheur bleutée un peu écœurante. C'était sans doute un fantasme mais il avait l'impression que la mort violente leur donnait une transparence particulière...
– Combien ?
– Oh ! non, Lucie, ne compte plus sur moi, dit-il en se dirigeant vers le balcon.
Il lui tourna le dos, face à la rivière et s’alluma une cigarette.
– Ils m’ont repéré, je ne foutrai plus les pieds à Anlong Veng.
– Combien, Hout ? Dis-moi ton prix. Prends les photos la nuit si tu veux, ce sera peut-être moins risqué. Combien ?
Hout poussa un long soupir en regardant la rivière, rabattit le tissu de son sarong pour se couvrir les cuisses. D’une chiquenaude, il jeta son mégot au-dessus du balcon et se retourna vers Lucie.
– Vingt-cinq mille dollars.
– Tu les auras demain.
– Tu es givrée ! hurla-t-il en revenant dans la pièce. Tu déconnes complètement ! Tu es prête à claquer cent millions de riels pour avoir ces photos ! Qu’est-ce que tu as derrière la tête ? Ton article, c’est de la foutaise. Tu me fous les jetons, Lucie !
- Pense aux nuits que tu vas pouvoir t’offrir avec tout ce pognon et ne cherche pas à me comprendre.