AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de ChedevC


Nous pouvions entendre, et deviner, par la porte ouverte sur la cour, les bribes d’informations et les voix chargées de questions. Au fil des années nous en avions vu, des instants de solitude comme ceux-là. Car les parents étaient seuls. Ils prirent l’habitude de se rendre en Ville pour des marathons administratifs. Nous les voyions partir tôt, monter vers le petit parking, s’engouffrer dans la voiture. Ils emportaient deux sandwichs, une bouteille d’eau. Ces déplacements pouvaient durer une journée entière. Dans les mairies, les services sociaux, les instances prétendument dédiées à l’aide des familles, les ministères, on leur enfonçait la tête sous l’eau, multipliant les difficultés. Le parcours était glacial, inhumain, jalonné Les interlocuteurs se montraient absurdement tatillons ou d’une odieuse nonchalance, cela dépendait. Les parents en parlaient le soir à voix basse. Ils durent se plier à des règles folles. Ils entrèrent dans des pièces grises où les attendait un jury qui déciderait si, oui ou non, ils seraient éligibles à une allocation, un recours, une étiquette, une place. Ils durent prouver que, depuis la naissance de l’enfant, la vie avait changé à leurs frais ; prouver aussi que leur enfant était différent, certificats médicaux, bilans neuropsychométriques, classés dans une pochette plus précieuse encore que leur portefeuille. On leur demanda aussi de dessiner un « projet de vie » alors que, de celle d’avant, il restait si peu. Les parents en croisèrent d’autres, brisés, à court d’argent, car les aides tardaient à tomber, ou ahuris parce qu’un département ne transmettait pas le dossier à un autre département, et qu’en cas de déménagement il fallait tout reprendre à zéro. Ils découvrirent l’obligation, tous les trois ans, de prouver que l’enfant était toujours handicapé (« Parce que vous pensez que ses jambes ont repoussé en trois ans ? » avait hurlé une mère devant un bureau).

« il faudrait que ma fille soit amochée physiquement pour que vous bougiez votre cul ? ? » 37
Commenter  J’apprécie          160





Ont apprécié cette citation (16)voir plus




{* *}