Cette demande d'amour est-elle le dernier mot de Gide, qui écrivait encore dans son Journal, à quatre-vingt ans : "Un extraordinaire, un insatiable besoin d'aimer et d'être aimé, je crois que c'est cela qui a dominé ma vie" ? (...)
Quant à l'éthique individuelle, Gide ne se renie point: c'est en soi et en soi seul qu'il faut la trouver, rien n'existe en dehors de l'individu qui mérite de lui en imposer, de le contraindre; (...)
"Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant".
A propos des Faux-Monnayeurs:
(...) en 1926 parurent les Faux-Monnayeurs, cette somme de la maturité gidienne (...) il est le roman achevé d'un roman qui échoue. L'accueil fait aux Faux-Monnayeurs fut plutôt froid, mais (...) il n'est plus contesté que la part des Faux-Monnayeurs fut considérable dans le renouvellement du roman moderne, après Proust et avant l'étape décisive que constitua l'influence du roman américain (...). Toutefois, et c'est là la force et la faiblesse du livre, il ne découvre toute sa richesse qu'étroitement rattaché à la personne de son auteur, que si nous cherchons à voir dans les Faux-Monnayeurs le seul complet et authentique "André Gide par lui-même...".
Les témoignages ne manquent pas, suivant lesquels ce sont les expériences, la vie même de Gide qui constituèrent la matière des Faux-Monnayeurs. L'un des plus précis de ces témoins, Claude Mauriac, rouvrant le livre en 1939, notait dans son Journal: "Nul doute que ne soit très grande dans ce "roman" la part du journal authentique (...) Tout ce que Gide m'a avoué, je le retrouve ici, à peine transposé. Ce sont les mêmes termes, bien souvent, que ceux entendus de sa bouche...".
Les récits gidiens sont comme des études, dans la forme du roman traditionnel. (...) celui des soties, factice, peuplé de marionnettes, fait un contraste violent (...) Pourtant, récits et soties ont un trait commun: "A la seule exception de mes Nourritures, écrivait Gide dans des Feuillets que n'a pas repris l'édition du Journal dans la Pléiade, tous mes livres sont des livres ironiques; ce sont des livres de critique. La Porte étroite est la critique d'une certaine tendance mystique; Isabelle la critique d'une certaine forme de l'imagination romantique; La Symphonie pastorale d'une forme de mensonge à soi-même; l'Immoraliste d'une forme de l'individualisme (Ceci dit sommairement)".
Gide jamais ne cache, mais se cache toujours; de quoi il ne prétend au reste pas se cacher (...).
Gide, dont finalement la sincérité est débordée par la lucidité; qui (...) ment encore et le sait, et le dit (...). Il a en quelque sorte la sincérité de son hypocrisie. Il n'en reste pas moins que son attitude première est un effort pour paraître.