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Citation de AlainD


Chaque page du petit agenda résume en quelques lignes quatre jours d’activités, chaque case retrace un fragment d’itinéraire, une étape dans la progression du travail, une recherche, un échec, un succès.
Compte tenu des quatre dernières :
« Mercredi dix-huit. — Départ d’Asguine à huit heures. Halte en aval d’Ifechtalen, à l’entrée du défilé. Orage. Passage à gué de l’assif Imlil aux Aït Mezdou. Nuit au douar Timirit. »
« Jeudi dix-neuf. — Départ de Timirit à neuf heures. Arrivée à Iknioul à cinq heures. Nuit sous la tente à proximité du douar. »
« Vendredi vingt. — Départ d’Iknioul en autocar. Arrivée à onze heures trente sur le souk d’Assameur, à une heure au Bureau. Entrevue avec l’adjoint du capitaine. Nuit dans la chambre d’hôte du Bureau. »
« Samedi vingt et un. — Départ à sept heures et demie pour Dar el Hamra. »
…dix-sept cases témoignent désormais de l’ensemble du circuit, sous forme de notes succinctes dont la lecture permettra plus tard la reconstitution des faits dans leur détail quotidien : l’arrivée à Assameur, le premier contact avec la montagne, l’installation à Asguine, les tentatives infructueuses pour toucher directement au but, la découverte du pont naturel, l’étude d’un tracé l’empruntant, les tâtonnements, les doutes, la réussite finale, la redescente sur Iknioul, le retour à Assameur.
Ces courtes phrases aideront la mémoire, le cas échéant, à renouer la trame plus serrée des divers épisodes. L’essentiel était d’éviter la confusion des dates, le chevauchement des données, le report erroné de certains événements d’un jour sur l’autre, ou le vide brutal du souvenir.
Sur les dernières pages du carnet figurent encore les dessins au crayon, maladroits mais précis, relevés sur les dalles du tizi n’Oualoun : massues, lances, roues dentées, éléments d’engrenage, soleils, ainsi que la reproduction complète des gravures de la pierre ogivale : l’homme à califourchon sur sa monture, brandissant le maillet; l’enfant courbé devant lui, à droite, les mains en avant; de l’autre côté, le grand corps allongé les bras en croix, étendu par terre ou enseveli debout dans le sol; le second animal enfin, le sabot levé, qui se détourne ou s’éloigne — cinq figures gravées dans la pierre, les unes à côté des autres… La dalle était des plus exiguës, l’espace disponible particulièrement restreint. Le rapprochement n’est peut-être dû qu’au seul manque de place…
Son minuscule crayon glissé dans le fourreau, le carnet relié de cuir vert va rejoindre, sur la table de nuit, le portefeuille, la pipe et la blague à tabac vide, près de l’enfumoir et de la lampe romaine dont la flamme tremblote au passage de la main.
Le lit est de nouveau tiré au centre de la pièce, à bonne distance des parois. La fenêtre est ouverte, les contrevents sont rabattus à l’extérieur. Seule s’interpose la moustiquaire entre la chambre et le jardin, où la température a sensiblement baissé depuis la tombée de la nuit. De brèves coulées d’air frais s’infiltrent au travers des mailles et viennent caresser le front, les yeux, les joues rasées de frais, délivrées du malaise des picotements.
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