Les protestants oublièrent très vite leurs réticences, et se plurent à exercer le pouvoir qui leurs était conféré, au point d’en venir rapidement à développer une sorte de patriotisme ulstérien. […].
Il n’y avait rien de semblable à ce patriotisme ulstérien chez les catholiques. Ces derniers avec des sentiments bien plus mitigés, durent peu à peu s’ajuster au fait accompli de 1921. Ils furent amenés à reconnaître que le nouveau régime, pour n’être pas nécessairement éternel, ne semblait pas devoir être renversé de sitôt, et, sans renoncer pour autant à l’espoir de l’unité irlandaise, leur premier souci était à présent de lutter pour leurs revendications immédiates, particulièrement dans le domaine de l’éducation, et, à cette fin, de faire pression sur l’autorité en place, c’est-à-dire sur le gouvernement local. Les députés nationalistes restaient nationalistes en paroles, mais leur souci le plus immédiat était de représenter et défendre les intérêts de la minorité.
Evoquant son enfance scolaire, Bernadette Devlin écrit : « Nous apprenions l’histoire de l’Irlande. Les enfants qui allaient à l’école protestante apprenaient eux, l’histoire anglaise. Nous étudions les même choses, les mêmes événements, les mêmes périodes, mais l’interprétation qui nous en était donnée variait complètement d’une confession à l’autre. A l’école publique, on enseigne que l’acte d’union intervint pour contribuer à renforcer les accords commerciaux entre l’Angleterre et l’Irlande. A nous, on disait qu’il s’agissait d’une tentative criminelle pour démanteler l’industrie irlandaise du lin qui portait tort au coton anglais. Nous étudions l’histoire irlandaise dans le « Manuel d’histoire irlandaise », de Fallon. Fallon était une maison d’édition d’Irlande du Sud ? Or, le ministère de l’Education avait publié un mémorandum selon lequel les manuels d’histoire irlandaise de Fallon ne devaient pas être utilisés dans les écoles, parce que, sous couvert d’enseigner l’histoire, ils incitaient purement et simplement à la sédition et à la trahison.
Un dimanche à Belfast. Encore plus déprimant que pendant la semaine. Les rues désertes, la circulation ralentie. Les clochers bourdonnent de leurs grelots mélancoliques. Chacun va à son temple, à son église, chercher la certitude que la vie à Belfast n’est qu’un bref passage avant la lumineuse éternité. On serre la main du pasteur, on bavarde sur le parvis. C’est dimanche.
Vivant côte à côte avec des druides devenus de clercs laïcs, les moines ont retranscrit les récits et légendes donnant naissance à une littérature profane. Tristan et Yseut sortent tout droit des brumes d’Irlande, et, par le crochet de la Bretagne, imposeront à l’Occident leur image tragique et mystique de l’amour.