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Citation de Ahoi242


Une des marques les plus assurées de la joie est, pour user d’un qualificatif aux résonances fâcheuses à bien des égards, son caractère totalitaire. Le régime de la joie est celui du tout ou rien : il n’est de joie que totale ou nulle (et j’ajouterai, anticipant sur la suite de mon propos, qu’il n’est de joie qu’à la fois totale et de certaine façon nulle). L’homme joyeux se réjouit certes de ceci ou de cela en particulier ; mais à l’interroger davantage on découvre vite qu’il se réjouit aussi de tel autre ceci et de tel autre cela, et encore de telle et telle autre chose, et ainsi de suite à l’infini. Sa réjouissance n’est pas particulière mais générale : il est « joyeux de toutes les joies », omnibus laetitiis laetum, comme le dit un amoureux comblé dans une pièce du dramaturge latin Trabéa, partiellement citée par Cicéron. Parole pénétrante, encore qu’on ignore tout du contexte dans lequel elle se situait. Ce que suggère une telle parole peut à peu près s’énoncer ainsi : il y a dans la joie un mécanisme approbateur qui tend à déborder l’objet particulier qui l’a suscitée pour affecter indifféremment tout objet et aboutir à une affirmation du caractère jubilatoire de l’existence en général. La joie apparaît ainsi comme une sorte de quitus aveugle accordé à tout et à n’importe quoi, comme une approbation inconditionnelle de toute forme d’existence présente, passée ou à venir.

La force majeure, p. 7-8
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