Les parents apprenaient à leurs enfants à renoncer à toute curiosité et à garder le silence. Leur progéniture pouvait les dénoncer par inadvertance à l'école. Andreï offrait pourtant un curieux spectacle : les joues gonflées de sucreries, il achevait ses pâtisseries dans un état de transe. Il leva ses yeux rouges et gonflés sur la rue toute proche. Une vague lasse de travailleurs écumait le trottoir, déferlait sur les bureaux du centre ville. Rassasié jusqu'à l'écœurement, Andreï sortit et s'immergea dans ce flot. D'habitude, il marchait la tête baissée pour explorer ses pensées sur le fonds abstrait du trottoir. Cette fois il gardait la tête haute, une allure altière, mais toujours chancelante. Il s'arrêta soudain dans le flot empressé et prit une décision capitale. " Je renonce aux obligations morales, à la vulgarité à laquelle le monde se livre"
Son sérieux céda à un rire irrépressible et sa vie lui parut être une mauvaise plaisanterie dans le décor absurde du communisme.