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Citation de Cannetille


Mes grands-parents voulaient adopter les trois petites filles. (…)
Dans le monde où elles deviennent ses sœurs, mon père n’existe pas. Il nous l’a toujours dit. Il en est certain parce que mes grands-parents avaient déjà une fille, Annette, du même âge que Jacqueline. Ça leur aurait fait quatre enfants et, étant eux-mêmes des commerçants laborieux et sans fortune, mes grands-parents n’en auraient pas désiré un cinquième. Mon père ne serait donc pas né en décembre 1946.
Je ne suis pas convaincue par cette idée. Je pense que les enfants naissent à leurs parents suivant des raisons qu’ils maîtrisent autant qu’eux, c’est-à-dire pas beaucoup, et rien ne dit que mon père n’aurait pas fait son apparition malgré tout dans ce chœur de fillettes. En nous disant cela il nous parle moins de lui, je crois, que de la douleur du deuil. Les mots « je ne serais pas né », dans leur répétition, sonnent comme une formule accompagnant un sacrifice, et qui aurait le pouvoir de l’inverser : moi au lieu d’elles, c’est elles au lieu de moi. Surtout, cette formule décrit son statut de survivant. Elle nous parle de la matière dont nous sommes faits, lui, ma sœur et moi, de notre sentiment d’exister dans un taillis de possibilités horribles et étranges. Dans cette non-naissance je me reconnais. Je reconnais le désintérêt parfois insupportable de mon père pour ce qui l’entoure, mais aussi quelque chose qu’il nous a donné et qui nous libère de la pesanteur, notre commune étourderie, notre capacité d’adhésion assez intermittente à la réalité. « Je ne serais pas né » fait naître dans un rêve éveillé.
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