Un matin, j’ai décidé. J’ai pris mes billets et j’ai cli qué. Il était onze heures dix, à Paris, vers la Nation. Je voulais tout recommencer, j’avais besoin de légèreté, de quitter l’ancien temps, notre ancien temps. Me séparer de tout, construire un nouveau monde, jour après jour, phrase après phrase, l’adopter tout en l’inventant, s’inté grer à lui tout en le découvrant, à la façon des bébés qui s’étonnent, imitent, apprennent à faire bravo ou éclatent soudain de rire en vous fixant, deux larmes encore fraîches glissent sur leurs joues et ils rient, ils rient, les yeux complices et brillants, prêts à tout recevoir, juste une secousse dans leur petit corps quand le bruit est trop violent et voilà qu’ils reprennent leur longue exploration solitaire, celle d’avant les mots.
Ce nouveau monde, je l’appellerai Kyoto song. C’est lui que j’aimerais écrire. Il a la forme d’un voyage qui contiendrait tous les voyages : un désir, une brûlure, un élan souverain, une quête, une danse. Un voyage qui prendrait le vrac des choses, des temps, des sensations et des êtres, leur forme, leur respiration.