Coralie Chamand

Nous faisons face à la fille la plus parfaite qu'il m'ait été donné de voir. Elle ne porte qu'un short en jeans et un débardeur. Tenue qui serait banale pour la plupart des femmes, mais sur elle c'est tout l'inverse. Son corps pourrait faire crever de jalousie la plus magnifique des femmes. Son visage halé, ses lèvres pulpeuses, ses yeux verts intenses... Je crois que je suis en train de bander devant une parfaite inconnue. Et je me met à prier pour que ce soit la fameuse frangine et non la copine de mon tout nouveau colocataire.


- Mais... commence-t-elle.


Même sa voix est aussi bonne que tout le reste. Je suis foutu. Elle pousse alors un petit cri et se jette dans les bras de Johann.


- Chérie! crie-t-elle en se tournant vers la porte. Regarde un peu qui est venu nous voir.


Il fallait qu'elle ait un mec. En même temps, autant de perfection ne peut qu'être tenu en laisse. Mais je ne suis pas jaloux, il y a toujours moyen d'en faire quelque chose.


- Tonton Jo!

Une petite fille arrive vers nous en courant.


- Bonjour mon petit chat, dit-il en la soulevant dans ses bras.

Sa tête sur son épaule, elle s'aperçoit de ma présence.


- T'es qui toi? me demande-t-elle.

Sa mère me jette alors un coup d'oeil. Ses yeux verts pétillants se transforment en une tempête prête à faire rage.


- Je te présente Liam.

La réaction de sa soeur ne se fait pas attendre et je me rappelle des paroles d'Amber.


- Tu as osé ramener ce connard chez moi? fulmine-t-elle.

Elle me fait sourire. Johann passe la porte, sa nièce dans les bras, en me jetant un regard d'excuse. Quand je tente de le suivre, elle me bloque le passage.


- Où tu crois aller comme ça? m'interroge-t-elle.


- A ton avis?


- Tu rêves! Tu as peut-être réussi à embobiner mon frère, mais dis-toi une chose. Tu ne passeras pas cette porte, salopard!

Elle termine sa phrase en me claquant la porte au nez.

D'accord...


Alors deux choses : en premier lieu, c'est une pure beauté, un vrai régal pour les yeux. Ensuite, c'est une vraie pétasse, il n'y a que du poison qui sort de sa bouche.

C'est un sacré défi qui s'annonce là, mais je suis prêt à le relever.

Ce goût d'interdit rendait tout meilleur, tellement excitant. Les filles qui passaient dans mon lit étaient toutes plus fades les unes que les autres et je revenais invariablement vers ma meilleure amie.

Aujourd'hui, les choses ont encore évolué. J'aurais dû me venger sur Jenny, la baiser à ne plus pouvoir respirer, mais j'en ai été incapable. Anya prend un sérieux ascendant sur cette routine que nous nous sommes imposé. C'est comme si c'était elle désormais qui contrôlait notre relation, comme si mon corps et mon cœur, si je devais être sincère, ne répondaient plus qu'à son appel.

Et puis il y a Anton, ce bâtard au cœur froid, bien décidé à me prendre celle à qui je tiens le plus. Je sais pourquoi il fait ça. Notre passé commun le hante, c'est la seule chose que je n'ai jamais révélé à personne. Il n'y a pas un genre sans que j'y pense et c'est bien pour cette raison que je ne pourrais jamais être avec Anya, ni aucune autre fille d'ailleurs. J'ai déjà fait suffisamment de mal pour une vie entière et mon tatouage est là pour que je n'oublie jamais ce que j'ai fait. Mais Anton est revenu pour une bonne raison. Il ne me lâchera pas tant qu'il ne m'aura pas vu mordre la poussière, il est bien décidé à me prendre ce que je lui ai enlevé quatre ans plus tôt et il est conscient que sa meilleure arme, c'est elle.

Anya m'a dit ne pas vouloir être mêlée à nos histoires, mais c'est trop tard, elle est déjà au cœur du problème.

Lui et moi, on s’est connus à l’âge de dix ans, et autant dire qu’en onze ans d’amitié, on ne s’est jamais quittés – ou presque. Je pense pouvoir dire que nous nous complétons l’un l’autre et je ne sais pas ce que je deviendrai sans lui. Bon, il y a aussi eu cette phase « couple » durant laquelle nous sommes sortis ensemble pendant pas loin de six mois. En y repensant, je n’aurais jamais cru que ma première relation sexuelle se passerait avec lui. Bon, d’accord, je ne me suis jamais demandé dans quelles circonstances ou avec qui je passerai à l’acte, mais je suis certaine d’avoir fait le bon choix. Beaucoup de filles disent qu’elles ont mal la première fois, que leur partenaire a plutôt été brouillon et maladroit. Moi, je peux dire que tout n’a été que tendresse et amour. Mais cette époque est révolue et nous nous sommes arrêtés au stade des meilleurs amis : aucune ambiguïté, juste des moments de complicité tendres et amicaux.

 J’installe Anya sur la chaise et elle attend son bol de céréales bien sagement.
Elle l’entame avec appétit une fois sous son nez mais ne cesse de se retourner vers le nouvel arrivé.
— Arrête de te retourner, tu vas t’en mettre partout.
Monsieur bite à l’air désormais habillé fait l’effort de nous rejoindre et s’installe sur la chaise à côté d’elle.
En jeune femme aimable - que je ne suis pas -, je lui propose un café.
Deux secondes plus tard, c’est le drame.
— Est-ce que tu vas devenir mon papa ?
S’ensuit une réaction en chaîne. J’avale de travers pendant que Liam recrache sa gorgée de café directement sur le bar.
Anya qui ne comprend pas ce qui vient de se passer ouvre de grands yeux.
— Maman ! Liam a craché sur le bar ! Tu dois lui donner une fessée !
Je tousse de plus belle. Non, il faut vraiment qu’elle arrête, ça m’embêterait de mourir étranglée à cause de mon café.

Ça me fait toujours un pincement au cœur de voir ce qu’est devenue la femme qui m’a mise au monde, celle qui n’a pas été la meilleure des mères mais qui m’a fait des gâteaux quand j’étais petite et qui illuminait une pièce d'un sourire. Mais tout ça, c’est loin... Maintenant sa vie se résume à ramener un homme différent chaque semaine et à boire jusqu’à plus soif. Je ne la juge pas, j’ai moi-même eu une sale période et je dois dire que par moment, j’ai envie de replonger pour oublier que ma vie est devenue un enfer. Mais des amis, même si parfois, ça ne suffit plus. Ma mère, elle, n’a personne à part moi et elle me déteste.

Elle me captive c'est un fait. Tout en elle semble pur et sincère. Il y a quelque chose au fond de ses yeux qui m'interpelle - bien que je ne l'ai aperçue que brièvement. Elle ne ressemble à aucune des filles que j'ai connues jusque-là, toutes avides d'attention. Je suis presque sûr qu'elle n'a pas conscience de sa beauté, et c'est peut-être ce qui me pousse vers elle : cette fille ne jour pas sur les apparences et c'est vivifiant.

Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent, je dois dire que je n’en ai pas grand-chose à faire. Tout simplement parce que je peux dire que j’ai survécu. Parce qu’à cette époque, je ne pensais pas pouvoir me relever un jour, mais désormais, j’avance et ne laisserai pas ma mère me retirer ça.

- La seule chose dont je sois absolument sûre, c'est que si je te laisse seul avec elle une minute de plus, vous finirez par faire une bêtise. Et si j'ai bien compris, tu n'es pas libre. La dernière chose dont j'ai envie est de ramasser le cœur brisé de ma meilleure amie.