Damien Farissier

Quand il nous arrivait de rentre bredouille, le plaisir était encore plus grand de retrouver la petite vieille qui tenait une animalerie dans le quartier pittoresque des pentes de la Croix Rousse. La colline de Lyon qui travaille. Une petite mamie comme on n'en trouve plus. Une passionnée qui parlait aux animaux comme on écrit de la poésie. Elle faisait la conversation avec son mainate, au milieu des chants multicolores des oiseaux et perroquets, des miaulements de chats, des aboiements balbutiés des chiots et des pitreries des singes. Une personne, qui n'aurait pas échappé à la description détaillée et pointue d'un Charles Dickens ou qui aurait pu traverser, pour son plus grand plaisir la vie d'un Mark Twain. L'odeur de sa boutique était unique et très spéciale. Certes, ça ne reniflait pas la rose mais le mélange des diverses nourritures à base de graines ou d'insectes, des fientes encore présentes dans les cages, les poils et les plumes, donnait à l'endroit un parfum inoubliable, vraiment singulier. Une odeur pas complètement répugnante mais très puissante. Semblable à celle qui s'échappait des Tupperware de la directrice de mon école primaire. C'était toujours l'occasion de franche rigolade avec les copains de table. Longtemps, j'ai pensé que cette directrice se sustentait de la même nourriture que mes tortues.

Une grosse larme de petites gouttes réunies en une trace bien dessinée glissant sur sa joue droite avait logiquement attiré mon attention. Mon père, manifestement, pleurait. Mais dans une discrétion qui le caractérisait. Il ne laissait jamais rien paraître de ses émotions. Ma mère disait de lui qu'il était fait de pierre.

Depuis des lustres et bien avant ceux de Baccarat, les sages nous ont invités à chercher la richesse en notre for intérieur et nous ont conseillé de cultiver notre jardin. Force est de constater qu’un grand nombre de nos semblables continuent de rêver à des trésors qu’ils trouvent préférable de rechercher sur les territoires voisins pour s’éviter de creuser et de ravager leurs propres terres.
Débarrassons-nous bien à propos de tous ces parasites matériels comme ceux appartenant au genre humain qui entravent la liberté. Réveillons-nous, indignons-nous sans perdre notre intégrité et réagissons. Nus nous sommes nés et propres tâchons de rester sans jamais avoir à souffrir de jugements injustes en se gardant bien d’en émettre gratuitement et à mauvais escient !

Cette table de bar qui me tient compagnie
Dans son cercle de laiton contient des secrets
Bien des âmes ont succombé à ses attraits
De lui parler imbibé, jamais je ne nie

C’est assis là que je me livre et me confesse
Les invisibles me font la conversation
Le bruit des autres couvre nos révélations
Vivants et disparus s’unissent dans l’ivresse

Ce café-là, ancré au cœur des temps modernes
N’a rien perdu de sa belle authenticité
Et dans notre village devenu cité
Il résiste bien aux ventes comme aux balivernes.

En ce jour, j’ai pris une grande décision
Je libère de la pendule, le coucou
Je casse le verre de ma montre à grands coups
Et je laisse au temps les clés de la précision

Des années que je nourris cette réflexion
Qu’accélérer le mouvement réduit l’espace
D’exploration, en accentuant les menaces
De me précipiter vers bien des afflictions

Aussi je décide d’ancrer mes pieds sur terre
De favoriser l’inertie à la vitesse
Et de prendre le temps de certaines paresses
Pour profiter au mieux des instants éphémères

Les hommes comme les loups recherchent un guide
Pour s’éviter de tracer les contours du but
Ils courent à leur perte au rythme des abus
En oubliant les préceptes de feu nos druides

Son père n’a jamais su garder une femme. Peut-être les a-t-il trop aimées ? Quand on aime on s’attache mais on n’attache pas. Et quand on tient à quelqu’un, on le retient. C’est pour Vincent des principes dans l’amour où chacun doit laisser les portes ouvertes à la liberté de l’autre pour mieux en apprécier la puissance. Avec tous les risques que cela suppose.

Qui suis-je donc pour nourrir l’envie d’être lu?
Certes un inconnu mais pas un farfelu
Une âme sincère qui n’en peut vraiment plus
De courir après des valeurs bien révolues.

Ami lecteur qui me lit donc en cet instant
Toi l’impétrant qui sera peut-être l’élu
Recherche l’âme sœur de celui qui n’est plus
Partage-la sans tarder avec tes enfants

Comme les anciens aiment à le répéter
Qui fait un long voyage, prépare son sac !
J’avais déjà connu les flux et le ressac
Mais point les vagues humaines tant agitées

Ici les gens sont comprimés et trop pressés
Ils ne prennent le temps de rien et gesticulent
En nourrissant la bile de leur vésicule
Pour la déverser sur d’autres, déjà stressés

Si chez les hommes, « l’enfer c’est les autres », dans le monde du cheval, cet Autre bien vivant, c’est le bonheur de faire les choses à deux qui le caractérise. La liberté de l’un ne s’arrête pas où commence celle de l’autre mais chacune appelle l’autre pour ne faire qu’une et tendre vers le même objectif