Elle avait peur. Elle était terrorisée. Dehors, la pluie faisait rage et frappait les parois du camion d'un cri sourd et lancinant. Pourquoi l'avaient-ils regardée ainsi quand ils étaient montés la rejoindre après avoir passé la douane ? Pourquoi avaient-ils ri entre eux en la dévisageant ? Ils lui avaient dit qu'ils arriveraient à Oulan-Bator d'ici une paire d'heures. C'était tout ce qu'elle avait retenu. Dans quelques heures, elle pourrait enfin sortir de sa cachette et respirer l'air frais du dehors. S'étirer également. Elle avait mal aux jambes à force de les garder recroquevillées contre sa poitrine. Elle avait envie d'uriner également mais tant pis, cela attendrait. Pour le moment, elle devait se faire toute petite, inexistante même.
Brusquement, le camion s'arrêta. Le coeur de Wenly bondit dans sa poitrine. Que se passait-il ? Y'avait-il un problème ? Ses mains se mirent à trembler de peur. Et si c'était des policiers chinois ? Si jamais elle avait été dénoncée ? Mais par qui ? Elle se força à se calmer. Après tout, elle n'avait plus rien à craindre puisqu'ils avaient passé la frontière. C'était trop tard pour l'arrêter. Ils étaient passés en Mongolie et elle était saine et sauve. Alors pourquoi s'arrêtaient-ils ? Au même instant, la porte arrière du fourgon s'ouvrit. Instantanément, elle se recroquevilla derrière le cageot qui la cachait. Une voix masculine s'écria :
«N'aie pas peur, il n'y a que nous.»
Les trois chauffeurs l'attendaient, debout, les mains dans les poches et un mauvais sourire aux lèvres. Face à leurs regards fourbes, son inquiétude la reprit. Instinctivement, elle cessa d'avancer et les dévisagea, anxieuse. L'homme du milieu escalada la marche de la porte arrière du fourgon et la rejoignit. C'était lui le chef du convoi, elle le savait car elle l'avait vu discuter avec le patron lors de son 'achat' à Datong et depuis leur départ, lui seul lui avait adressé la parole et apporté de l'eau. Elle l'observa venir à elle, de plus en plus tendue. D'une voix bourrue, il s'exclama :
«Dans deux heures, on sera à Oulan-Bator.»
Son coeur, dont les battements avaient ralenti à l'explication rassurante de l'homme, s'emballa de plus belle. Quelque chose à lui dire ? A propos de quoi ? Tremblante mais obéissante, elle se releva lentement tout en s'appuyant contre les caisses à côté d'elle. Ses jambes, engourdies, chancelèrent sous le poids de son corps retrouvé. Maladroitement, elle enjamba les cageots de fruits devant elle et se dirigea vers l'entrée du fourgon.
Son inquiétude s'évanouit sur le champ. Elle était bel et bien en Mongolie et n'avait plus rien à craindre des autorités chinoises. Ivre d'allégresse, elle ferma les yeux de bonheur et bénit le ciel de soulagement.
«Merci.» lui murmura-t-elle doucement.
L'homme ne lui laissa pas le temps de célébrer plus en avant sa joie. D'un ton sec, il ajouta prestement :
«Là-bas, tu te trouveras un autre camion.»
Elle soupira aussitôt de soulagement. Elle n'avait pas été dénoncée !
«Sors de ta cachette, ajouta la voix. On a quelque chose à te dire.»