Daniel Pautrat

En ces temps romantiques du Tour de France, l'épopée l'emportait encore largement sur les calculs d'apothicaires à la mode aujourd'hui. On ignorait l'EPO, les hormones de croissance et les transfusions sanguines, c'était le règne de la "topette" au contenu incertain, c'est-à-dire de l'empirisme et du n'importe quoi. Était-ce mieux ? Allez savoir... Les coureurs, dans l'ensemble, agissaient sans trop de compétence, et Abdel-Kader [Zaaf] aurait semble-t-il emprunté des petits comprimés à des coureurs belges.

La « saga Anquetil » est longtemps restée « top secret » dans les années 1970, c’était un peu comme le doping, nous étions quelques-uns à savoir, mais personne ne disait rien. C’est Sophie, fière d’être le « centre merveilleux d’un amour profond, d’un partage incroyable » qui, en 2004, a tout raconté dans un livre Pour l’amour de Jacques. Je vous résume.
A 23 ans, Jacques Anquetil venait de gagner son premier Tour de France quand il est tombé amoureux – et réciproquement- de Janine, la femme de son médecin, un couple qui avait deux enfants Annie et Alain. Jacques est beau comme le demi-dieu qui pointait sous son maillot jaune et Janine aussi blonde, hollywoodienne et séduisante que la grande vedette du cinéma français d’alors Martine Carol. Janine divorce et épouse Jacques en 1958, un 2 décembre, comme la bataille d’Austerlitz… c’est peut-être pour cela que toutes « les femmes de Jacques » vivent en Corse aujourd’hui !
Quand il s’est arrêté de courir en 1969, à 35 ans Jacques a souhaité avoir un enfant, mais Janine plus âgée que lui, ne pouvait plus. Pour que son sang coule dans les veines de l’enfant désiré, Janine a offert, avec son plein accord, sa fille Annie à Jacques. Et Sophie est née le 31 juillet 1971, avec Janine comme mère officielle. Tout avait été bien organisé et je me souviens parfaitement de la dernière apparition publique de Janine début avril, le jour de Paris-Roubaix au restaurant de Saint-Quentin, que les journalistes avaient l’habitude de fréquenter avant d’attaquer les pavés. Elle était avec Jacques, consultant d’Europe n°1, et on ne l’a plus revue jusqu’à la naissance de l’enfant comme pour préserver le subterfuge.
Dans le château à La Neuville-Chant-d’Oisel, tout le monde cohabitait plus ou moins bien. Il y avait aussi le fils de Janine, Alain et sa brune épouse Dominique qui n’a pas su résister un soir au charme du quintuple vainqueur du Tour qui a fini par l’épouser et avoir un fils Christopher avec elle. Et l’on est heureux avec Sophie : « J’ai eu deux mamans. L’une était la fille de l’autre. Et mes deux mamans furent pendant quinze ans sous le même toit la femme double de mon bigame de papa ! » Et son oncle, ou demi-frère, on ne sait plus très bien, Alain s’est remarié avec Josette l’ancienne femme de Cyrille Guimard. Le cyclisme est une grande famille. Mais c’est un sport dangereux pour les coureurs. Et j’en oublie sans doute quand j’évoque les coureurs divorcés : Anquetil, Coppi, Bobet, Aimar, Robic, Roche, Armstrong, Fignon, Pingeon, Thévenet, Virenque, Jalabert, Guimard, Altig, Leducq, Motta, etc., et je ne parle pas des journalistes spécialisés en cyclisme !

J’étais allé 2 ou 3 fois en vacances au Sénégal, mais il n’y avait jamais eu de grands événements sportifs internationaux organisés en Afrique à l’exception des Jeux africains lancés à Brazzaville en 1964 et des Jeux des îles de l’océan indien créés à la Réunion en 1978. En 1964, avec Jean-Paul Brouchon, nous animions une émission quotidienne avec les radios d’Afrique francophone et nos correspondants à Brazzaville pendant les Jeux africains s’appelaient Lucien Tshimpumpu y Tshimpumpu (qui est devenu directeur de la radio puis est allé en prison, est revenu comme ministre des Sports puis est retourné en prison au hasard des changements de régime) et Faouzi Sabit qui nous avait bien dit qu’il fallait prononcer le « t » de son nom, mais pas le « a » de son prénom. Essayez et vous comprendrez les raisons de nos fous rires à l’antenne !

J'ai entendu dire qu'au XXIe siècle, des coureurs asthmatiques pouvaient gagner le Tour de France, la science a fait de sacrés progrès !