Charles Fantec secoua la tête, d’un air dubitatif. Depuis quelque temps il ne comprenait plus rien à ce qui lui arrivait, ni à sa propre façon de réagir en face de l’événement. Cet homme jadis froid et raisonnable, pour ne pas dire calculateur, se voyait soudain entraîné dans un univers insolite, un mystérieux signe de piste où le meneur de jeu signait son passage par des actes barbares, dignes des sauvages routiers du quinzième siècle, où il était question de Druides, de trésor fabuleux et sacré, de sacrifices rituels, bref, de ce qu’il croyait du domaine des légendes. Plus étonnant encore, il y avait Clémence et cette métamorphose qui s’était opérée en lui à la faveur du drame qu’ils vivaient.
— Ne vous inquiétez pas pour moi, ma bonne Soaz. De toute façon, avec ces fous qui s’abritent derrière les Druides pour fonder une secte du Diable où ils envoûtent des sous-produits d’humanité, avec ces gens-là, personne n’est plus en sécurité nulle part, pas plus à Canzillon qu’à Quimiac ou à Guérande. Ce qu’ils veulent c’est assouvir leurs bas instincts au cours de cérémonies dites rituelles, il leur faut des victimes innocentes, des trésors à voler sous prétexte de secrets druidiques, enfin tout ce fatras de fariboles dont se sert avec beaucoup d’adresse ce Gurun qui n’est pas plus le Seigneur de la forêt que je ne suis la Vierge Marie.
... elle avait eu la révélation qu’elle ne pourrait jamais aimer que lui, que les autres n’étaient que des ombres, parfois attirantes, certes, mais vite abandonnées comme impropres à lui donner la plénitude dont elle avait besoin.
Sa vie sans amour, totalement vide, son imagination peuplée de légendes celtiques, son caractère, enfin, de vraie fille de Bretagne amie des elfes et des lutins, tout cela se mêla pour l’aider à prendre sa décision.
"Ne demandez pas votre chemin à quelqu'un qui le connaît, vous ne pourriez plus vous égarer..."
— Les amants de Vérone, rêva Anne un instant. Pauvre Roméo et pauvre Juliette.
— Eh bien, nous, plaisanta Erwan en se penchant pour embrasser ses lèvres, nous sommes les amants de Guérande, et c’est la plus belle histoire du monde.
... Tu me fais rire, mon pauvre Guillaume ! Tu es incroyable ! Tu m’as planté un enfant dans le ventre, j’ai accepté de te le porter, de te le mettre au monde et, après ça, nous sommes quittes ? Pas du tout ! Prends une disponibilité, Brigitte ! Reste à la maison ! Occupe-toi d’Anne ! Tu es sa mère, tu le lui dois ! Tu le lui dois ! Mais qu’est-ce que tu lui dois, toi ? Qu’est-ce que tu fais pour qu’elle s’épanouisse, qu’elle cesse de larmoyer, de m’exiger, de me digérer ?
— C’est bien ce que je disais. Tu es dure, tu ne penses qu’à toi...
— Tu te souviens quand je t’ai dit que ça allait être très dur pour nous ? Eh bien, tu vois, la preuve est faite.
Anne ne répondit rien. Elle savait qu’Erwan avait raison, mais elle savait aussi qu’elle était prête à livrer toutes les batailles qu’il faudrait pour défendre leur amour. Elle était loin pourtant de se douter à quel point il allait lui falloir combattre.