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Citation de DavidG75


Que restera-t-il des noms de lieux quand nous ne serons plus, qu’il n’y aura plus un seul œil d’homme pour voir le lieu, aucune bouche d’homme pour le nommer et le lancer dans le temps, lui donner forme humaine pour le réduire à notre échelle afin que nous y posions le pied, quand nous aurons cessé de surcharger la terre de noms de lieux et d’étirer les noms en y ajoutant des phrases pour les relier les uns aux autres en une histoire, une légende dont nous sommes les seuls à savoir le fin mot ? Ils resteront un moment comme un halo qui s’évapore, la dernière trace de nous quand tous les noms et les mots que les gens échangeaient, qui étaient dans les livres, toutes les langues auront disparu. Ils resteront puis ils disparaîtront eux aussi et plus personne, jamais, ne pourra les entendre, les lire et les prononcer à son tour. À moins que, durcis, gelés, desséchés, ils ne se soient mêlés à la terre, aux pierres et aux montagnes, pour devenir les os du monde où, après les déluges, les survivants pourront puiser pour faire germer des vies nouvelles.
[…]
...sans peur du ridicule, nous nous plaisons à surnommer en rêvant à des ressemblances, un lieu minime, tout ce qui s’y trouve, pousse, ou passe au-dessus, caillou, branche, feuille, ombre ou nuage et à l’instant où je vous parle, sur ma cheville droite, une plante accrochée, minuscule et cependant ramifiée, prolixe, épandue, rayonnante comme un grand cèdre millénaire. Chaque fois, le geste fait une arche invisible, minime qui nous relie au monde et nous rattache à la nuit des temps. Pour peu que déposant l’orgueil des phrases, notre nom, le désir de nous en faire un et de le porter au pinacle, nous revenons par privilège au jardin des petits baptêmes. Alors, déposant le fardeau personnel, nous sentons passer dans nos gorges et nos bouches l’écho des innombrables voix qui, lentement, souffle après souffle, ont inspiré et expiré le monde pour y former notre demeure.
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