Je suis « passée » dans Les oiseaux vont mourir au Pérou par amitié pour Romain Gary, autre intellectuel devenu metteur scène. J'y incarne une tenancière homosexuelle. Rien que ça ! Mais comme en ce temps-là on était très pudique, I'amour dévorant que je suis censée éprouver pour la touchante Jean Seberg se traduit simplement par ma main posée sur son épaule nue...
J'ai été stupéfaite que Marc Allégret, un homme délicieux, me propose de jouer dans L'Amant de Lady Chatterley. Pourquoi moi et non une grande star italienne, par exemple? Il paraît que les distributeurs m'avaient choisie et, à cette époque, les distributeurs faisaient la loi. Je connaissais le roman ; jai hésité puis j'ai dit oui... à condition qu'il n'y ait aucune scène érotique. Allégret tentait de me rassurer : «Chère Danielle, je vous assure que dans la scène où Lady Chatterley court nue dans les champs, vous serez doublée », -II n'empêche, tout le monde croira quand même que c'est moi! » ai-je rétorqué. Tout s'est finalement arrangé : j'ai juste accepté de montrer mes épaules... et, pour moi, c'était déjà beaucoup.
Julien Duvivier avait une réputation épouvantable, un peu comparable à celle de Clouzot. Je garde d'ailleurs un mauvais souvenir de notre première rencontre. C'était en 1938, à Hollywood, chez Gary Cooper. Voilà que Duvivier, que je connaissais à peine, se rue sur moi, I'oeil brillant, et s exclame : « Toi, tu es jolie, trop jolie!» et de m'écraser la bouche avec sa main. Mon visage s'en trouva barbouillé de rouge à lèvres. J'avais vingt ans et j' étais folle de rage. Au point de lui donner une gifle ou un coup de pied, je ne sais plus. Mais, sur le plateau de Pot-Bouille, Duvivier fut absolument adorable avec moi, tout comme Gérard Philipe, dont je connaissais désormais le véritable caractère.
Max (Ophuls) adorait noyer les dialogues, étouffer les fins de phrase, ne faire entendre qu un mot sur trois. « Comme dans la vie », disait-il. C'est ainsi que le bruit d'un fiacre, une conversation mondaine ou encore une musique couvrent toujours le nom de famille de Madame de... Les critiques n'ont pas apprécié.