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Citation de Charybde2


Au moment de la noce, nous vivions ensemble depuis six mois. En partie par curiosité, en partie en désespoir de cause. Tout ce qui se passait entre nous prenait des proportions démesurées. Comme des racines qui se ramifiaient, s’enfonçaient. Quelque chose d’ancré en nous, mais étranger et détaché à la fois. Nous l’appelions ça, toujours ça, ne sachant comment dire. Nos vies se compliquaient, surtout pour Lea. Nous étions d’accord sur le fait que nous serions mieux sans ça et essayions de nous rappeler, d’après nos expériences de jeunesse, comment régler notre problème sentimental.
S’il existait un traitement sûr, garantissant qu’un homme et une femme en viennent à maudire le jour de leur rencontre, il s’agissait sans nul doute de la cohabitation. L’Humanité avait au moins appris, en quatre millions d’années d’évolution, que les hommes et les femmes n’étaient pas faits pour vivre dans la même case. Et depuis l’Interdiction de Procréation, promulguée en 2041, le côté biologique de la chose n’avait plus grande justification.
Alors, nous achetâmes en commun un hôtel particulier dans le Connecticut. Il nous fut facile de délimiter nos chambres à coucher personnelles et nos espaces de travail, mais la décoration des zones communes requit une diplomatie et des compromis dignes du règlement d’un conflit frontalier. Une fois bien installés, nous décidâmes de recevoir le mercredi soir, et nous entreprîmes la tâche ardue de faire lier connaissance à nos amis et collègues respectifs.
Nous en arrivâmes à préférer sa chambre pour regarder les réseaux, la mienne pour faire l’amour. Toutefois, pour ce qui est du sommeil, elle exigea de dormir seule. Bien, pensions-nous, voilà une faille que nous pourrons agrandir. Nous passâmes en revue les autres incompatibilités. Elle était couche-tard ; j’étais lève-tôt. Elle aimait voyager, sortir ; j’étais pantouflard. Elle adorait la musique classique ; je ne supportais que le néo-son. Elle avait un besoin maniaque d’organisation totale ; je me sentais bien dans le désordre.
Ces différences semblaient pourtant augmenter le plaisir que nous avions d’être ensemble. Nous étions deux opposés qui s’attiraient, deux molécules liées – que sais-je -, deux chiens essayant de se décoller.
Le réseau enregistra une audience de 6,325 millions d’abonnés pour notre mariage, un score somme toute modeste. Néanmoins, le registre recueillit des signatures parmi les plus importantes de la planète (ses admirateurs à elle), et les confettis plurent pendant des semaines. Le réseau nous offrit un voyage de noces sur la Lune ; cinq nuits au Princesse lunaire, plus l’aller et retour à bord de la Pan Am.
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