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Critiques de Denis Girard (1)
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Enseigner les langues : Méthodes et pratiques

Extraits de la critique complète

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Quand on descend au niveau français, et la France est sous la moyenne européenne en matière de compétence en langues étrangères, on arrive à une mise en œuvre directe de la pédagogie notionnelle-fonctionnelle qui était préconisée par M.A.K. Halliday (1925-2018) pour toutes sortes de personnes en migration se trouvant dans des situations très urgentes où il fallait maîtriser les langues locales le plus vite possible pour simplement pouvoir survivre. Denis Girard qui a imposé cette méthode pour l'enseignement de l'anglais en France a juste oublié quelques éléments simples. Permettez-moi d'énumérer certains de ces éléments oubliés ou négligés.

1- Les élèves d'une classe ne sont confrontés à aucune urgence, et ce d'autant plus que l'on descend dans les classes d'une école primaire ou même d'une école maternelle.

2- La seule urgence à laquelle ils peuvent être confrontés n'est pas celle de l'école, mais celle de leur famille, de leur communauté, où ils peuvent être confrontés à plus d'une langue, mais très rarement, pour les personnes migrantes européennes ou non-européennes, à la langue locale elle-même.

3- Même à l'école, la population migrante peut rencontrer une certaine urgence à utiliser sa ou ses premières langues pour parler avec d'autres étudiants ou élèves qui sont issus de la même culture et de la même langue migratoires. Notons que jusqu'en 1971 à Valenciennes, les élèves étaient punis s'ils utilisaient, en classe ou dans la cour de récréation, le "patois" local qui était en fait le dialecte rouchi du Picard. Et puni signifiait alors une punition physique sans parler d’éventuels châtiments corporels. Imaginez que cet esprit est encore à l'œuvre dans de nombreux esprits, et ce qu'il peut produire à l'école, dans la vie quotidienne, dans les magasins et les supermarchés, sans parler des services sociaux municipaux, régionaux ou nationaux, y compris les bureaux de poste ou les services d'allocations familiales, sans parler de tous les services de santé et de sécurité sociale. Il y a donc une certaine urgence pour les adultes et les parents utilisent leurs propres enfants comme traducteurs lorsque cela est nécessaire, et c'est une sorte d'urgence pour les enfants s'ils veulent aider leurs parents. Mais cela ne produit pas nécessairement un comportement reconnaissant puisque c'est une ségrégation linguistique frustrante évidente.

4- Le système scolaire français est massivement compris comme devant être homogénéisant en français en utilisant la langue française, la culture française, l'histoire française, la géographie française, etc. pour atteindre cet objectif. La cohabitation et la coexistence ne sont guère visées, sans parler des échanges et de l'enrichissement mutuel. Imaginez un professeur de collège demandant aux élèves susceptibles de protester (c'est-à-dire musulmans ou arabes, puisque ces références sont interdites, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas être mentionnées, ni évoquées, et encore moins enregistrées nulle part) de sortir de la classe dans le couloir sans aucune surveillance parce que lui, le professeur, a l'intention de montrer une caricature du Prophète Mahomet au sein d'un cours consacré à la liberté d'expression. Il existe de nombreux mots pour désigner cette exclusion, d’initiative stressante à abandon d'une personne en situation de détresse, et bien d'autres encore.

5- Le système scolaire français a beau se dire tourné vers l'emploi et la formation professionnelle, les lycées qui préparent à l'emploi dans les domaines industriels et commerciaux ne commencent qu'en seconde et sont systématiquement déclassés pour la promotion des enseignants qui, pour la plupart, ne visent que les lycées modernes ou classiques.

6- Ce dernier point révèle que les enseignants de l'enseignement secondaire considèrent que leur carrière doit suivre l'échelle académique hiérarchique pyramidale allant des collèges aux lycées classiques et modernes (caractérisés par la présence dans ces établissements des fameuses classes préparatoires qui entraînent les meilleurs élèves à passer des tests et examens sélectifs pour entrer dans toutes sortes d'écoles supérieures : commerciales, d'ingénieurs, politiques et administratives). Le fait que le président Macron ait fermé la plus célèbre d'entre elles dans l'arène politique, l'ENA (École Nationale d'Administration) ne fait que déplacer cette sélection politique des futurs politiciens de haut niveau vers les universités où les filières à double-licences en histoire et en sciences politiques, ou toute autre première spécialisation associée à la seconde spécialisation en sciences politiques, prospéreront, fleuriront et s'épanouiront, et leur pratique standard est basée sur la sélection des étudiants qui ont eu les meilleurs résultats au Baccalauréat, ou qui ont passé une ou deux années dans certaines classes préparatoires aux écoles supérieures commerciales, scientifiques ou d'ingénieurs. J'ai enseigné dans une telle filière en première année de double-licence à la Sorbonne. J'ai testé les étudiants de cette première année avec le même test que toutes les autres classes de première année d'enseignement supérieur. Les résultats des étudiants concernés étaient de 20 à 25 % plus élevés que les résultats moyens des étudiants de première année de simple licence.

Nous pouvons maintenant examiner certaines des idées de Denis Girard. Je me concentrerai sur son dernier livre testamentaire, Enseigner les langues : méthodes et pratiques, Bordas, Paris, 1995, six ans après sa retraite de l'Inspection Générale de l'Education Nationale française et trois ans après son retrait de la plupart de ses autres responsabilités en 1992. Le livre est intéressant mais complètement marginal pour la situation de 2021 en France, bien que la pédagogie qu'il a réussi à imposer en France pour l'enseignement de l'anglais, qui lui a survécu pendant de nombreuses années et qui est encore active pour de nombreux professeurs d'anglais, soit directement responsable de la catastrophe que connaît la France dans l'enseignement des langues étrangères, et en premier lieu de l'anglais. Curieusement, il rejette la plupart de ce en quoi il avait cru, au moins pendant un certain temps de temps en temps dans sa vie professionnelle. Il rejette la linguistique, la linguistique appliquée et même la psycholinguistique et la psycholinguistique appliquée, qu'il juge non pertinentes pour ce qu'il appelle la didactique des langues étrangères. Il rejette la sémantique générative et la théorie de l'énonciation formelle d'Antoine Culioli (1924-2018). Il soutient, bien qu'il ne soit pas mentionné dans la bibliographie, Henri Adamczewski (1929-2005) et son approche pragmatique de l'énonciation. Il ne reste donc dans ce cimetière de vieilles bonnes intentions jurées que trois choses.

[...]

Dr. Jacques COULARDEAU




Lien : https://jacquescoulardeau.me..
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