Selon un préjugé tenace, les Africains n'auraient eu aucune part dans l'œuvre générale de la civilisation : l'Afrique serait sans histoire. Alors que nul n'a jamais nié l'existence en Asie de civilisations vieilles de plusieurs millénaires, alors que les conquistadores, en exterminant les Indiens d'Amérique, demeuraient stupéfaits devant les temples et les palais de ces "sauvages", jusqu'à ces dernières années le passé de l'Afrique était tenu pour négligeable, l'archéologie africaine n'existait pas. En fait, la barbarie présumée des Africains résultait surtout du mépris avec lequel les Européens de la fin du XIXe siècle ont abordé les populations vivant depuis plusieurs générations dans un état de guerre et d'insécurité perpétuel.
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Les relations des navigateurs européens de la fin du moyen-âge parlaient, il est vrai, de royaumes organisés. Mais après quatre siècles, les descendants de ces premiers navigateurs ne trouvèrent plus dans les mêmes lieux que ruines et terreur. Ravagée par des guerres intestines, l'Afrique n'était à cette époque que l'ombre d'elle-même. Comment expliquer pareille décadence ? Sitôt connue, l'Afrique a eu la malchance d'attirer des commerçants préoccupés du seul désir d'exploiter ses richesses naturelles : Arabes, puis Européens, les uns pas plus que les autres ne se sont souciés des Africains. Mais seulement du profit qu'ils pouvaient en tirer. Ce profit s'est malheureusement présenté très tôt : l'Asie et, plus encore, l'Amérique avaient besoin d'esclaves, l'Afrique - Terre de Barbarie, Côte des Esclaves, Zendj bar ou pays des esclaves - en offrait. Rançonnant les habitants des villages, achetant par milliers les prisonniers et provoquant chez les indigènes des expéditions dont le seul but était de capturer des prisonniers, les marchands arabes, puis les négriers européens ont peu à peu détruit les royaumes dont les découvreurs avaient mentionné la belle ordonnance.
Un chasseur est arrêté en forêt par un serpent qui se tord au pied d'un buisson. L'homme veut s'enfuir, le serpent l'arrête, le supplie de lui retirer de la gueule une fourmi qui l'étouffe. L'homme plonge la main, retire la fourmi. "Tu m'as sauvé, lui dit le serpent, que puis-je faire pour toi ? - Je veux vivre aussi longtemps que cette pierre. - C'est bon, rentre au village, réunis les tiens, égorge un coq blanc. Puis couche-toi sur une natte qu'on couvrira d'une couverture noire." L'homme suit ces instructions. Quand on retire l'étoffe, il est était devenu un bloc de pierre.