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Citation de MegGomar


Les premiers instants qui suivent la nuit ou le jour durant lequel
commence un deuil ont des couleurs qui n’apparaissent qu’à celles et ceux
qui pleurent leurs morts. Des couleurs au-dessus des sens. Des couleurs et
du goût, une odeur, denses. Quelque chose situé au départ du nez, là où les
yeux se touchent presque.
Mes épaules ne portaient aucun disparu prématuré.
Je les avais prêtées plusieurs fois, mises à disposition des copines et des
copains désormais sans père, sans mère, sans cousin ou cousine. Sans frère
ou sœur.
Tous présentaient à peu près les mêmes traits.
Les mêmes traits des premiers instants qui suivent la nuit ou le jour
durant lequel commence le deuil. Une capacité élevée à rire nerveusement.
Des globes oculaires épuisés et insondables. Une rationalité à toute épreuve.
Le futur désormais jugé comme audacieux.
Et puis toutes et tous craquaient dans la semaine qui suivait. Souvent la
nuit, durant un apéro. Et, avant l’âge des apéros, pendant un cours à l’école
ou simplement pendant le coup de fil du soir pour se raconter ce qu’on a fait
durant la journée qu’on a pourtant passée ensemble.
Les premiers instants de la nuit ou du jour durant lequel commence un
deuil sont un secret qu’on découvre sans volonté, émergeant des entrailles
du vivant. Et on l’apprend avec le temps, d’ailleurs, qu’il ne faut rien
creuser. Les premiers jours on reste à la surface et on éponge ce qu’il y a à
absorber. On apprend à partager l’oxygène avec celles et ceux dont les
poumons sont vides. On apprend à se forcer pour ça. Car la douleur des
autres est insupportable.
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