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Citation de MegGomar


À quoi penses-tu Chérif, est-ce que tu peux encore penser ? La manière
qu’a ton corps d’épouser les fines plaques de fer dit que tu es maintenant en
possession de la liberté propre à ceux qui ont un jour craqué. Qu’on a un
jour brisés. Mais quelle est ta météo intérieure, mon chéri Chérif ? dirait
l’animatrice de nos mercredis petits. Crachin de chauve-souris ? C’est d’un
triste ça Chérif ! Raconte-nous quelque chose de joyeux. Nuages
thermiques d’obsolescence programmée ? Ce n’est pas ton jour.
Les immeubles semblent démesurément tristes, comme s’ils avaient
aspiré l’humeur des habitants de la place. Chérif a l’air tout petit devant ces
géants de béton armé.
Il a l’air petit, Chérif le chétif, recroquevillé dans sa peine dont il est
pour toujours le seul maître. Peine. Période qui ne possède pas
d’instruments de mesure. Ni sablier ni clepsydre ni bougie ni horloge.
Personne n’aura l’autorisation de venir s’asseoir et de lui expliquer ce qu’il
vit, ni de donner de noms à son épouvante, ni de formes à ses larmes. S’il
veut en pleurer des froides, il pleurera des perles de glace, et s’il ne veut pas
parler, il ne parlera pas.
Il n’est pas le seul comédien sur les planches, mais son texte ne
s’adresse qu’à lui-même. Quand il ouvre son visage pour donner la
réplique, ce n’est plus lui, c’est un jumeau décalqué à la va-vite qui
s’exprime, à partir de ce qu’il était lorsque tout était avant. C’est une
photocopie dont seul le verso semble offrir quelques mots de réconfort avec
lesquels on formera une phrase pour rassurer la mère. Qu’elle n’ait pas
perdu tous ses enfants dans la bataille.
À quoi penses-tu, Chérif ?
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