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Citation de mariecesttout


-Pourquoi alors faut-il avoir honte du milieu ouvrier?

Je ne dis pas qu'il faut! je dis que j'ai eu honte, ce n'est pas la même chose. Et j'essaie d'analyser ce sentiment, et, si je puis risquer et oxymore, les raisons de cet affect. Aujourd'hui, j'ai honte d'avoir eu honte. Ce sont ces affects imbriqués, intriqués, dont j'essaie de rendre compte. Depuis que mon livre est sorti, beaucoup de gens m'ont écrit, beaucoup d'amis se sont confiés à moi et chacun me parlait d'une honte, d'une situation douloureusement vécue, d'un silence sur un secret, etc. J'ai découvert que la honte est un des sentiments les plus répandus dans la société, et c'est un sentiment dont, par définition, on ne parle pas. La honte est liée au secret. On ne parle pas de la honte sauf dans un moment privilégié, quand quelque chose se craquèle et qu'on se met à en parler.
Moi, j'ai connu la honte à l'âge de seize ou dix-sept ans, mais, à l'époque, j'étais trotskyste, et j'exaltais la lutte prolétarienne, l'ouvrier révolutionnaire, et, en même temps, je méprisais mes parents qui étaient des ouvriers dont les aspirations n'étaient pas du tout de faire la révolution mais d'acheter une voiture ou la télévision. Quand on travaille tous les jours à l'usine, et qu'on a été auparavant privé de tout, on aspire justement aux biens de consommation et on ne pense pas forcément à la lutte politique. Ou on y pense autrement! Et là, il faudrait évoquer une sorte de mépris de classe ou, si vous préférez, d'ethnocentrisme de classe qu'on trouve chez les intellectuels qui, aujourd'hui comme hier, pérorent sur la révolution ouvrière ou sur le savoir du peuple, mais sans jamais rencontrer un ouvrier, et qui parlent donc d'un peuple fantasmé qui n'existe que dans leur imagination.
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