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Citation de PhilippeMaurice


[...] après être arrivé à la forteresse, le vieux général s’était longtemps demandé s’il avait fait quelque chose de mal ou pas. Et à force de réfléchir, il en était venu à soupçonner que, dans un même temps et dans un même lieu, on pouvait avoir plusieurs patries : une patrie, par exemple, qui correspondait au drapeau, au serment, aux injonctions de ce qui est à faire et à ne pas faire, définie par les tables rigides des normes, facile à comprendre et en même temps irrationnelle, sphinx, déité, mystère ; il y en avait peut-être une deuxième, plus grande encore, sans étendard ni revendication, non pas écrite sur le papier mais constituée d’hommes les uns à côté des autres, multitude immense qui se perdait à l’horizon, et à l’intérieur de chacun de ces hommes, une sorte de flamme, de scrupule, de fidélité, un amour ainsi fait que, parmi les triomphes ou au milieu des larmes, il les faisait avancer toujours dans la même direction ; et il y avait d’autres sortes de patries encore, dont souvent des personnes bien informées lui avaient parlé, mais lui n’en avait jamais été réellement convaincu. Les derniers temps, toutefois, étendu sur son lit, il avait vu toutes ces choses compliquées s’éloigner, exactement comme si les mots les plus recherchés et les plus solennels perdaient leur substance ; et il ne restait absolument plus rien de ce qui s’était passé sur la terre, de ce qu’il avait fait lui ; rien, pas même la trace d’un souvenir (demeurait cependant le vent qui allait et venait depuis l’océan, en gémissant, aujourd’hui, demain et après, éternellement).
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