Djahanguir Mazhary

LE TEINT DE TON ÉTONNEMENT
(Mazhary, Sans Fumée ni cendre, page 62)

Tardivement surgi
des entrailles de la nature
ni la terre te conforta
ni le ciel fut clément

Des orages émergèrent
à la taille de ton étonnement
Des éclairs éclatèrent
aux teints de ton étonnement

Éperdu, démuni sans défense
tu t'es lancé depuis dans de rudes aventures
Détournant les sources
de tes humaines faiblesses
tu as cru asservir l'univers
à d'imaginaires volontés maîtresses
et pour mieux te rassurer
de leurs bons emplois
tu t'es mis à inventer des génies fantastiques accomplissant d'extraordinaires exploits !

Tes temples érigés à leurs mesures
s'avérèrent cependant
trop étroits
Et les géants jaillis de tes propres légendes
envahirent tout endroit

Alors seulement
tu t'es vu contraint
à les envoyer très loin
vers ce que tu persévères sournoisement d'appeler
l'au-delà !

Ton accablement n'en fut que comblé
implacable désarroi !

Contournant ainsi les limites du réel
pour divertir ton effroi
tu n'as réussi qu'à étaler partout
ton propre emportement
ton émoi

Désemparé enfin
tu t'es résolu à lancer un dernier défi
aux démons et aux dragons de ta fantasmagorie
en invoquant un inconnu divin
un arbitre suprême
un tout puissant prodige
sans commencement ni fin

Jusqu'à quand comptes-tu rester ainsi
sous les charmes de ton ensorcelante chimère?

Tes visions d'enchaîné
de repenti pécheur
implorant les grÂces d'un geôlier éternel
te conduiront-elles à te fier longtemps encore
à tes fantasmes de lutin?

Les temps tarderont-ils encore à venir
pour que découvrant les inconséquences
de tes futiles performances
tu t'insurges désabusé indigné
contre la médiocrité de te naïfs desseins
et penses à jeter de tes propres mains
l'ancre de ton ingénu et éphémère destin ?

Dans un monde où tu as tout gagné
rien que pour y perdre tout aussitôt
ne pourrais-tu te comporter
de la façon que tu as prétendu t'être dictée
par un adorable être souverain ?

Et puisque tu as su inventer si bien
ce merveilleux sacré divin
pourquoi ne pas oser le regarder en face
et te prendre toi-même en main ?

Ce serait, si tu veux, ton réel exploit surhumain !

MAZHARY