Voilà ce qui sera peut-être l’une des chroniques les plus longues de ce blog. Et pourtant, elle ne dit rien. Ou, plus précisément, tout reste encore à dire, et tout restera à dire. Parce que ce livre est juste un OVNI, le récit truculent de… mais de quoi, en fait ?
Une fois ce livre commencé, je n’ai pas pu m’arrêter. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un livre pratiquement sans faire de pause, en moins de 12 heures, dont une partie de ces heures de la nuit qui sont si particulières pour nous, lecteurs.
« Mais alors ? », me direz-vous. Eh bien, ce livre raconte le destin lumineux d’une étoile filante. Oui, c’est en se frottant au monde que Suzanne s’est embrasée, attirant tous les regards. Son père, par égoïsme et par souffrance, a créé le pire cocktail que l’on puisse imaginer : une intelligence exacerbée, teintée de cynisme, qui n’a pas eu d’autre choix que d’apprendre à se protéger en se coupant des autres. Détonnant. Et, pour le coup, cela explose. D’autant que le monde de la politique, machiste et engoncé dans ses a-priori, n’est pas prêt à laisser de place à une jeune femme telle que Suzanne.
C’est brillant, c’est fluide, on reconnait chez Dominique Chevallier le sens de la formule qui a fait sa carrière – l’homme revendique, entre autres, l’invention de « La force tranquille », slogan qui a porté Mitterrand au pouvoir en 1981 -. La peinture du monde de la politique est acérée, jouissive, grinçante. Mais, alors que l’on pourrait se lasser de cette histoire si elle n’était que suite de jolies formules, rien de tel ne se produit. Pourquoi ? Probablement parce que l’on sent, à chaque instant, toute la fragilité de la posture de Suzanne. Qui est en permanence au bord du gouffre, y compris lorsqu’elle écrase outrageusement ceux qui sont à ses pieds. La guerrière insensible masque le danger permanent d’une implosion.
Pourtant, ce n’est pas non plus par voyeurisme que l’on reste scotchés, comme ces spectateurs qui, lors d’une compétition de ski, guettent la chute la plus spectaculaire. Non, bien que l’on sache dès l’entrée que le destin de Suzanne, pour brillant qu’il soit, est tragique, ce n’est pas pour assister à sa dégringolade que l’on reste là, haletants.
À la fois baroque et profondément actuel, très ancien monde mais résolument ancré dans des questionnements qui pourraient être ceux du nouveau, ce livre tient probablement d’abord grâce au personnage sidérant de Suzanne.
On peut d’ailleurs lire cette histoire à différents niveaux. Comme une fantaisie politique, assurément, avec ces figures caricaturales, la truculence du ton, les formules enlevées. Comme une satyre sociale, très certainement, avec ce parcours d’une femme qui, à défaut d’être la femme de quelqu’un est, ici, la fille de quelqu’un et qui, tentant de progresser seule, découvre que, pour supporter d’être détestée, il faut pouvoir s’appuyer sur un amour inconditionnel. Comme une fable morale, sans doute, qui nous rappelle que l’on ne tombe jamais que sur le caillou que l’on a soi-même semé.
Alors, êtes-vous prêt(e)s à vous laisser emporter par cette cygne noire ?
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