Citations de Dominique Iehl (24)
"...Le repos envahit le feuillage des branches
Dans le silence obscur et puissant de la nuit.
La nature a glissé dans un sommeil profond,
Et dans le coeur blessé, la douleur est plus douce.
Laisse moi rêver librement dans ton ombre,
Douce nuit, guide cher de notre songerie..."
"Et je voudrais encore, à l'infini, sans cesse,
Traverser, exultant, des mondes étrangers,
Dans un élan qui serait pur de toute entrave,
Et mon coeur frémissant est tout brûlé d'ardeurs.
Une fièvre me jette aux barreaux de la vie,
Ecrasé que je suis par l'espace et le temps.
L'aspiration du coeur s'appelle liberté,
Et dans mon coeur j'entends le chant de l'infini."
" Quel parfum dans les fleurs!
La rose se soulève,
Timide et entourée
De bruissements d'abeilles.
Le rossignol qui chante
Lève son col joli,
Et luttant avec lui,
L'alouette s'élance."
Toute sa vie solitaire est sous le signe d'un stoicisme qui la distingue, en apparence, de ses contemporains. Mais il ne faut s'y tromper: elle cache au fond d'elle-même une passion de vie et de mouvement qui ne la situe pas loin d'une Emily Bronte, ou même d'un George Sand.
" Lorsqu'au creux des bosquets ombreux
Le rossignol plein de douceur,
A ma détresse, et à mes pleurs,
Porte l'écho de sa langueur,
Je sens que défaille mon coeur
De mélancolique douleur."
"Je pense à toi,
Quand, dans le bois,
Du rossignol
Chante la voix.
Et toi, quand penses-tu à moi?"
"Si mon coeur restait calme, pur de toute souillure,
Poli par la souffrance, pareil à un miroir,
Qu'il serait doux à Dieu d'y mirer son soleil,
Son image, très tôt, se dessinerait au fond de mon âme."
"Silencieuse est la nuit, mais aussi créatrice,
Le miracle de Dieu est par elle engendrée."
"Je dois vous confesser une faiblesse étrange et stupide, qui m'a souvent affligée. Ne vous moquez pas de moi, je vous en prie; le démon qui me tourmente a un nom bien fat et romantique, il se nomme l'appel des lointains."
C'est par des réserves qu'il faut commencer quand on veut étudier les affinités d'Annette von Droste et de la mystique. Etude intéressante mais difficile à circonscrire. Précisons, dès l'abord, que nous n'envisagerons nullement la teneur mystique d'une pensée qui est à peine élaborée dans le Geitliches Jahr, mais seulement une tension de l'âme, une qualité dans la ferveur et dans l'angoisse, qui évoquent certaines attitudes mystiques, et qui donnent à Annette von Droste une place originale parmi les poètes religieux.
C'est la poésie d'une âme qui a retrouvé la foi, et qui attend de retrouver ses forces. Jésus, dans cette quête, est le meilleur guide, car :
"Ses paroles enseignent, guérissent,
Donnent la lumière et la vie.
O quel bonheur que de rester
Près de Lui dans la maison du Père."
"Je songe à cette langueur délicieuse et profonde,
Qui nous saisit parfois de façon si étrange.
Quant au ciel le couchant jette sa flamme claire,
Quand le silence règne en campagne nue,
Parfois sous le regard amical des étoiles,
Quand très haut dans l'ether le croissant de la lune
Vogue sur un flot bleu, quelle douleur alors,
Quelle langueur en moi, et que seul peut sentir,
Celui qui dans son coeur a déjà éprouvé,
Comme un zéphir léger, ce doux frisson de vie."
"Fais fondre cette glace
Aux rayons de ton soleil,
Et porté par des torrents de grâce,
Pénètre dans le printemps de mon coeur."
"Mais la forêt remue ses cimes
Dans son sommeil, du flanc de la montagne,
Car le Seigneur passe sur les sommets,
Et bénit la campagne silencieuse. (...)
Les voix du monde , alentour, se sont tues.
Quelle merveilleuse prière
Illumine le fond de mon âme."
"Cherche, cherche en toi, par un profond regard, (...)
Nulle source ne coule avec plus de violence
Que celle qui se tord sans espoir sous la glace (...)
Qu'à travers le mur des brumes de l'angoisse,
Je puisse toujours pressentir ta lumière."
"Je crois avec amour, et blessée d'amour,
J'ouvre toute grande la porte du coeur, et
La porte du doute se ferme."
Le langage des étoiles est comme le langage du coeur, à la fois secret et familier, au moins pour une âme de poète.
"Sais-tu ce que disent les étoiles
Sur la lisière bleue du ciel?
Elles font signe, mais de si loin,
Si secrètes, mais si familières;
Elles emportent,
D'un frisson léger,
Les pensées
Hors de leurs limites,
En un monde étrange et sacré."
La découverte de la poésie a été pour Annette von droste une aventure singulière: après quelques exercices poétiques, faibles, et qui montrent bien dans quelle sillage elle aurait pu s'enliser, elle accède à la poésie par un détour imprévu, celui de la religion. Une crise religieuse violente lui dicte des vers qui sont une confession et un témoignage, qui s'imposent à elle en tout cas, et lui imposent une nouvelle forme d'art.
La maladie entretient de remarquables visions, et tout ce que la vie lui refuse devient source de poésie. (...) Son existence, si unie en apparence, est agitée en profondeur, et pleine de douloureux débats, de tourments qui vont bien au-delà de ses apparents scrupules, pleine aussi d'une angoisse souvent proche de la folie. L'accès au monde poétique signifie pour elle une lente et pénible conquête, et tout autant qu'un progrès dans l'art, une victoire sur la vie.