AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Grimbert a soigneusement préparé son entretien avec le Gros Marcel. Aucune improvisation possible. Pour mener les recherches qu’il envisage, il doit d’abord obtenir son accord tacite, et ce n’est pas évident. Le Gros Marcel n’a pas de responsabilité hiérarchique définie, il se contente d’un grade de brigadier-chef aux fonctions incertaines. Il ne figure dans aucun organigramme, mais toute la vie de la Police urbaine passe par lui. Car le Gros Marcel la connaît mieux que la hiérarchie en place. Chacun vient lui parler de son service, de son travail, de ses problèmes, de sa vie. Il réunit de façon tout à fait officieuse ses « conseillers », des gens posés, peut-être un peu fatigués, donc sans ambition personnelle, qui viennent des différents services, et surtout qui appartiennent à l’un ou l’autre des puissants groupes d’intérêt organisés dans la police : le syndicat FO, les francs-maçons, le SAC (Service d’action civique), les associations de pieds-noirs… et jouissent de la confiance de leurs pairs. Il leur transmet les informations qu’il juge utile de discuter, et tous ensemble cherchent à désamorcer les conflits au sein de la police, à pacifier la gestion du quotidien. Leurs analyses et leurs suggestions sont transmises par Marcel aux directions officielles, qui les reprennent la plupart du temps et estiment qu’elles s’en portent bien. Le Gros Marcel fonctionne ainsi depuis quinze ans, et, bon an mal an, la police marseillaise a survécu à la prise du pouvoir par de Gaulle, qui ressemblait beaucoup à un coup d’État, à la création par le pouvoir gaulliste de son service d’ordre musclé, le SAC, peu regardant sur les méthodes employées et infiltré dans la police officielle, à l’abandon de l’Algérie en 1962, avec son cortège d’attentats et la mini-guerre civile menée par l’OAS, à l’arrivée massive de cent mille rapatriés dans la ville, dont beaucoup de policiers de l’ancienne colonie, directement intégrés dans les cadres de la police métropolitaine. Derniers soubresauts, en mai 1968, le pouvoir gaulliste répond aux contestations étudiantes et ouvrières en amnistiant tous les condamnés de l’OAS, sans doute pour s’en faire des alliés contre la « chienlit gauchiste », les prisons se vident, beaucoup d’amnistiés, et non des moindres, viennent s’installer dans la région de Marseille. Épidémies de braquages, coups bas et luttes d’influence dans la police, nouveaux problèmes… Puis de Gaulle est parti, en 69, et chacun sait maintenant que des hommes politiques sympathisants de l’Algérie française et de l’OAS participent au gouvernement à Paris.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}